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Salle de prière musulmane saccagée, Corans partiellement brûlés, slogans xénophobes: plusieurs centaines de personnes ont envahi vendredi en fin de journée une cité populaire d'Ajaccio où deux pompiers et un policier avaient été blessés la nuit précédente dans des échauffourées.
"Il faut les tuer, il faut les tuer!" ont scandé des dizaines de manifestants devant les immeubles de la cité d'Ajaccio.
Outre une salle de prière musulmane, la terrasse d'un restaurant kebab situé à proximité de la cité a également été endommagée dans ces incidents qui ont pris fin vers 21H00, au soir d'un Noël placé sous très haute surveillance dans toute la France après les attentats sanglants du 13 novembre à Paris.
"Les Arabes dehors!"
Dans l'après-midi, quelque 150 personnes s'étaient rassemblées dans le calme devant la préfecture à Ajaccio en signe de soutien à deux pompiers et un policier blessés dans des échauffourées qui avaient éclaté dans une cité populaire la nuit précédente, a expliqué le sous-préfet François Lalanne dans un communiqué.
Certaines ont alors décidé de monter jusqu'aux Jardins de l'Empereur, la cité située sur les hauteurs de la ville où avaient eu lieu les heurts. Au final environ 600 personnes, a précisé M. Lalanne à l'AFP, se sont rassemblées dans cette cité, qui connaît, selon le sous-préfet "depuis plusieurs années des incidents à répétition de dimension néanmoins modeste (jets de pierre, départs d'incendie volontaires principalement)".
Scandant pour certains "Arabi fora (les Arabes dehors, ndlr)!" ou "On est chez nous!", selon une correspondante de l'AFP, ils ont, dans une ambiance tendue et encadrés par des policiers déployés pour tenter de maintenir le calme, essayé d'identifier et de retrouver les auteurs de l'agression de la veille, dans une cité, dont tous les habitants sont restés cloîtrés chez eux. Des portes en verre, des boîtes aux lettres et des vitres de véhicules ont notamment été endommagés.
Le préfet de Corse, Christophe Mirmand, s'est rendu dans la cité, a constaté la correspondante de l'AFP. Assurant que "tous les moyens étaient mis en oeuvre" pour retrouver les auteurs de l'agression de la nuit de jeudi à vendredi, il a aussi estimé que les "menaces de ce (vendredi soir, ndlr) n'étaient pas acceptables".
Une salle de prière musulmane ravagée par un groupe d'individus
En marge de ce rassemblement, une salle de prière musulmane, située à proximité des Jardins de l'Empereur, a été saccagée par un groupe d'individus. Ils ont aussi tenté de mettre le feu -n'y parvenant que partiellement- à de nombreux livres, dont des exemplaires du Coran. "50 livres de prières ont été jetés sur la voie publique (seules quelques feuilles ont été consumées)", a précisé M. Lalanne.
Des représailles après l'agression de pompiers et de policiers
Au cours de la nuit de jeudi à vendredi, vers 00H30, un incendie avait été "volontairement allumé" dans les Jardins de l'Empereur "pour attirer les forces de l'ordre et les pompiers dans un guet-apens", selon M. Lalanne. Deux pompiers ont été "sérieusement" blessés par des éclats de verre après des "agressions physiques" au cours desquelles des vitres de leur véhicule d'intervention ont été détruites, toujours selon le sous-préfet.
L'intervention des forces de l'ordre, au cours de laquelle un policier a été légèrement blessé, a duré jusqu'à 02H45, heure à laquelle le calme était revenu dans le quartier.
La présence des policiers renforcée
Les forces de l'ordre, dont un membre a eu le nez fracturé devant la préfecture, devaient rester déployées toute la nuit de vendredi à samedi dans les Jardins de l'Empereur et devant les cinq lieux de culte musulman d'Ajaccio, a précisé M. Lalanne à l'AFP. Et au cours des prochains jours devrait avoir lieu "une montée en puissance" de leur présence, a-t-il ajouté.
"Des exactions intolérables aux relents de racisme et de xénophobie"
"Après l'agression intolérable de pompiers, profanation inacceptable d'un lieu de prière musulman. Respect de la loi républicaine", a twitté vendredi soir le Premier ministre, Manuel Valls. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a également condamné l'agression ayant visé des pompiers et la dégradation de la salle de prière, évoquant des "exactions intolérables aux relents de racisme et de xénophobie".
Le tout récent président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni -les nationalistes viennent de remporter le 13 décembre les élections territoriales en Corse- a lui aussi condamné sur BFMTV "des actes racistes complètement contraires à la Corse que nous voulons", après avoir affiché sur Twitter son soutien aux pompiers blessés, comme le président de l'assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni
"Nous sommes absolument consternés et attristés"
L'Observatoire national contre l'islamophobie du Conseil français du culte musulman (CFCM) a "condamné avec force" ces faits, dénonçant une agression "qui se déroule en un jour de prière pour les musulmans et pour les chrétiens", puisque cette année Noël tombait juste après le Mouled, la fête musulmane qui commémore la naissance du prophète Mahomet.
De son côté le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech, a appelé dans un communiqué "l'ensemble de nos concitoyens au calme et à la sérénité pour faire face ensemble aux défis que nous devons tous relever dans la solidarité et dans la fraternité". Le CFCM, assure-t-il, "réaffirme son engagement total pour préserver la cohésion nationale et faire face à toute forme de violence, dans le respect des valeurs et des lois de la République".
"Nous sommes absolument consternés et attristés", a de son côté réagi sur BFMTV Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris, en lançant un appel au "calme, au sang-froid et à l'apaisement pour que les choses rentrent dans l'ordre le plus rapidement possible sur l'île de beauté, l'île de la paix".