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Le secteur des énergies renouvelables (éolien, solaire, etc.) sera bientôt fixé sur le mécanisme de soutien qui viendra remplacer les tarifs d'achat auxquels EDF est obligé de racheter l'électricité +verte+, un changement de méthode qui introduira plus de risque et pourrait décontenancer les investisseurs.
Le projet de loi sur la transition énergétique, conformément aux nouvelles lignes directrices européennes fixées en juillet dernier, prévoit de remplacer à partir du 1er janvier 2016 les tarifs d'achat garantis pour les énergies renouvelables, par un tarif variable, constitué du prix du marché augmenté d'une prime.
La prime sera versée une fois que le projet bénéficiaire (éolienne, centrale solaire, etc.) sera opérationnel, et son montant variera afin de garantir un niveau de rémunération cible fixé pour chaque filière, mais sans le dépasser.
Ce système pourrait aussi cohabiter un temps et pour certains types de projets avec l'ancien mécanisme de tarifs d'achats.
Toute la question est de savoir comment sera calculée la future prime, appelée aussi +complément de rémunération+. Le gouvernement devrait trancher d'ici l'été.
Pour les producteurs d'électricité renouvelable, l'enjeu est notamment de pouvoir avoir une visibilité suffisante sur leurs revenus afin d'attirer des investisseurs et financiers habitués aux tarifs bonifiés sur 15 ou 20 ans.
Si "rien n'est encore arbitré", a indiqué Damien Mathon, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables, à l'occasion d'une conférence organisée mardi par le site d'information GreenUnivers, la formule en discussion entre les acteurs concernés et le ministère de l'Energie, est "assez complexe", a estimé Thierry Lethuillier, responsable du pilotage stratégique chez Bpifrance.
En 2014, la banque publique a investi 700 millions d'euros dans les énergies renouvelables, à la fois en prêts et en fonds propres.
"L'industrie est prête à affronter ces nouvelles conditions de marché, mais aujourd'hui il y a encore beaucoup trop d'inconnues dans la formule", a insisté Nicolas Rochon, fondateur de RGreen, conseil du fonds d'infrastructures renouvelables InfraGreen.
Selon Thierry Lethuillier, ce nouveau système pose aussi la question "de la capacité des acteurs à commercialiser sur le marché l'électricité produite", alors que jusqu'ici les producteurs n'avaient qu'un seul client: EDF.
- Les banques inquiètes -
Trois solutions s'offriront à eux: vendre leur électricité sur des bourses d'échange d'électricité, comme la bourse paneuropéenne Epex Spot, passer par un intermédiaire qui vendra pour eux leur électricité sur les marchés d'énergie, ou via des contrats de gré à gré avec des fournisseurs d'électricité.
"Il faut développer des moyens de vendre notre électricité, nous y travaillons", a reconnu Jean-Marc Bouchet, président du producteur d'électricité renouvelable Quadran.
Et cela sera d'autant plus vrai pour les petits producteurs, peu habitués au fonctionnement des marchés de gros de l'électricité.
Ces derniers passeront donc certainement par des intermédiaires, appelés agrégateurs.
"L'enjeu pour les financeurs sera d'apprécier la solidité des agrégateurs", c'est-à-dire leur capacité à écouler la production, explique Laurence Martinez-Bellet, avocate au cabinet Watson Farley & Williams, alors même que "le marché des agrégateurs n'est pas encore structuré en France", contrairement à d'autres pays européens comme l'Allemagne.
Conséquence de ces risques nouveaux: "il pourrait y avoir un tassement de la dette (prêts de Bpifrance) sur les projets d'énergies renouvelables dans les prochains mois", estime M. Lethuillier.
"Les banques sont aujourd'hui, si ce n'est attentistes, au moins inquiètes", ajoute-t-il.
Une des solutions, défendues par les acteurs du secteur, serait d'instaurer un "acheteur de dernier recours" qui assurerait quelle que soit la situation du marché un débouché à l'électricité produite, avance Damien Mathon.
La vocation de ce dispositif serait "surtout assurantielle", avec un prix de vente très décoté pour "ne pas être trop attractif", ajoute-t-il.
Mais tous les acteurs défendent toutefois le passage au nouveau système, déçus par le mécanisme des appels d'offres en vigueur pour développer les projets solaires ou éoliens.
"Le complément de rémunération est mieux que les tarifs car aujourd'hui on n'a aucune visibilité sur les appels d'offres", lancés souvent de façon irrégulière, assure ainsi le président de Quadran.
Autre question non encore tranchée, celle du régime auquel pourraient être soumis les particuliers qui produisent eux-même de l'électricité solaire ou éolienne.