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Qu'il s'agisse de s'opposer à une loi, comme actuellement celle sur le travail, d'en réclamer une, de dénoncer un scandale environnemental ou de sauver une émission de télé, les pétitions en ligne sont plébiscitées par les Français. Pourquoi cet engouement et quel est leur impact?
- Qui sont les principaux acteurs? -
La plateforme américaine Change.org revendique près de 7 millions d'utilisateurs en France où elle s'est lancée en 2012. Elle se rémunère en facturant des campagnes sponsorisées par ONG. Il existe deux autres grandes plateformes, le site français Mesopinions.com, qui va fêter ses 10 ans et compte 4 millions d'utilisateurs et l'ONG Avaaz.org, lancée aux Etats-Unis et financée par ses donateurs (4,3 millions d'utilisateurs en France).
- Quelles sont les pétitions qui ont recueilli le plus de signatures en ligne? -
Lancée le 19 février sur Change.org, la pétition contre la loi El Khomri, qui s'apprêtait vendredi à franchir le million de signataires, détient le record de la pétition en ligne la plus signée en France. Pour Benjamin des Gachons, directeur du site en France, c'est "un phénomène viral tout à fait inédit" qui repose sur "le fait que c'est très rapidement passé d'une pétition à un véritable mouvement". Toujours sur Change, vient ensuite la pétition de la journaliste Elise Lucet contre la directive européenne sur le secret des affaires, lancée début juin et comptant plus de 510.000 signatures.
Sur Avaaz.org, c'est une pétition réclamant une meilleure protection de la liberté d'expression après la tuerie à Charlie Hebdo qui détient le record français, avec plus de 800.000 signatures. Sur Mesopinions.com, la pétition la plus signée réclamait justice à l'encontre d'un propriétaire de chien qui avait enterré son animal vivant (530.000 signatures).
"Historiquement sur le web, c'est la question du droit des animaux qui était la plus virale mais on voit de plus en plus de sujets politiques et économiques", estime Benjamin des Gachons. Même constat pour Géraldine Poissonnier, responsable de Mesopinions, qui voit un nombre croissant de pétitions politiques à l'approche des élections.
- Pourquoi cet engouement? -
Les pétitions en ligne "correspondent à des manières contemporaines de s'engager: au lieu du combat d'une vie, sur une idéologie politique englobante, on va avoir des engagements sur un point, sur un autre, sans que ce soit très prenant dans la vie quotidienne", explique Franck Bousquet, professeur en sciences de la communication à l'université de Toulouse III et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.
Selon lui, les internautes sont également habitués à donner leur avis avec les réseaux sociaux, ce qui facilite l'acte de signature. "Il y a aussi la volonté d'envoyer un message politique au gouvernement, les signataires ne répondent pas uniquement à la question posée", estime-t-il.
Benjamin des Gachons y voit lui une "défiance croissante des citoyens pour les formes de représentation traditionnelles" combinée à une "envie d'agir": "On permet à ces citoyens de se réengager."
- Quel est leur impact réel? -
"Les politiques sont obligés de tenir compte de ce fait politique", estime Franck Bousquet.
Change.org se targue d'une victoire par heure dans le monde. En France, il revendique comme plus grande réussite la grâce présidentielle accordée à Jacqueline Sauvage, demandée dans une pétition ayant recueilli plus de 430.000 signatures. "Le fait qu'un ministre crée son profil pour répondre, c'est déjà un accusé de réception", estime Benjamin des Gachons, ajoutant que trois ministres ont franchi le pas (Myriam El Khomri, Pascale Boistard et Najat Vallaud-Belkacem).
"On a de plus en plus de victoires. Les pétitions sont davantage écoutées des décisionnaires, que ce soit des marques ou des politiques", renchérit Géraldine Poissonnier.
- Quelles en sont les limites? -
"L'erreur serait de croire que la pétition en ligne est l'alpha et l'oméga", reconnait Benjamin des Gachons. "La pétition ne fait pas tout, mais peut être un levier puissant vers d'autres formes d'actions et s'intègre parmi d'autres réseaux sociaux."