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La commission de l'Economie de la Chambre a approuvé en seconde lecture, dans la nuit de mardi à mercredi, le projet de loi qui doit notamment permettre la prolongation de 10 ans des centrales nucléaires de Doel 1 et 2 censées fermer cette année. Mais l'opposition s'est entre autre inquiétée de la possibilité que laisse ce texte à Electrabel de facturer ses investissements de 700 millions de rénovation au contribuable.
Le projet de loi qui doit encore être examiné en séance plénière, a été approuvé majorité contre opposition mercredi, par 10 voix contre 4. Il a été adopté après des semaines de discussion souvent houleuses sur fond de divergences profondes entre la majorité et l'opposition, essentiellement sur la sécurité juridique, la sécurité de la population et la sécurité économique. Le président de la commission Jean-Marc Delizée a comptabilisé une soixantaine d'heures de débats et d'auditions.
Majorité: pour notre sécurité d'approvisionnement électrique
La ministre de l'Energie Marie Christine Marghem, qui porte le projet du gouvernement, et le ministre de la Sécurité Jan Jambon ont une nouvelle fois justifié le texte de la majorité hier mardi par la nécessité d'assurer la sécurité d'approvisionnement du pays, dès l'hiver prochain.
Opposition: impossible de relancer Doel 1 à temps
L'opposition a répété qu'au-delà du débat sur l'avenir du nucléaire, elle s'inquiète de ce que le projet conduira le pays droit dans le mur. Selon elle, l'insécurité juridique qui en découle et l'absence de préparation technique et sécuritaire ne permettront pas à Doel 1 voire à Doel 1 et Doel 2 de fonctionner durant le prochain hiver. Pour l'opposition, qui s'appuie sur l'avis du Conseil d'Etat et sur l'avis juridique commandé par l'Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN), Doel 1 a été désactivée le 15 février dernier et il faudrait lancer un vaste processus de travaux préalables après une étude d'incidence et une consultation publique, autant de conditions nécessaires à la relance des activités. Doel 2, dont les activités viennent à échéance le 15 décembre, est également menacée.
Majorité: pas besoin de vérifications
Le gouvernement soutient au contraire que Doel 1 (et a fortiori Doel 2) a conservé sa permission contenant les éléments techniques d'exploitation et de sûreté, sous l'autorité de l'AFCN. Il est d'avis que contrairement à ce qu'a avisé le Conseil d'Etat, la loi à l'examen ne constitue pas un projet de modification de site au sens des directives européennes et des conventions internationales (qui appellent à la réalisation d'études d'incidence et à la tenue d'une consultation publique). L'objectif visé par la loi "n'est pas un projet concret mais une politique" devant permettre d'assurer la sécurité d'approvisionnement du pays, selon Mme Marghem. Dans un second temps, un volet administratif sera préparé par l'agence de contrôle fixant une série de conditions (liste des travaux, éventuelles études d'incidence et consultations publiques...) sur base des demandes de l'exploitant, en l'occurrence, Electrabel.
Electrabel pourrait-elle nous faire payer les travaux?
L'opposition a promis une volée de recours, tant devant la Cour constitutionnelle, que devant le Conseil d'Etat, pour ce volet administratif. A l'initiative des députés écologistes, l'opposition a également tenté, en vain, d'obtenir que la ministre Marghem garantisse qu'Electrabel ne puisse se prémunir d'une éventuelle issue funeste du texte, jugé donc bancal par les socialistes, les écologistes et le cdH. L'opposition craint que l'absence de garantie de la ministre permette à Electrabel de forcer la négociation d'une clause de remboursement par le contribuable de son investissement de 700 millions d'euros de travaux nécessaires à la prolongation des centrales.
"Trop tôt" pour lier la loi à une garantie d'Electrabel?
Mais selon la majorité, cette question vient "trop tôt". La convention avec Electrabel - qui portera notamment sur la rente nucléaire - sera signée après l'approbation durant l'été d'un projet de loi encadrant ces négociations, a rappelé la ministre Marghem, appuyée par les élus N-VA et CD&V. Leen Dierick (CD&V) a notamment indiqué qu'il ne serait "pas sage", "pas intelligent" que la ministre s'avance aujourd'hui. Cela ne lui rendrait pas service, cela "minerait" sa position, a-t-elle précisé. "Ce n'est pas le moment de voir tout cela, il faut l'examiner dans un contexte plus global", a pour sa part justifié Mme Marghem. C'est exactement le contraire, ont répliqué Jean-Marc Nollet (Ecolo) et Kristof Calvo (Groen), selon qui ne rien dire "ouvrirait grand la porte" à la possibilité d'une clause pour Electrabel; agir aujourd'hui la placerait dans "une position de force". Ils ont rappelé que des balises avaient été apportées en ce sens en vue du prolongement de Tihange 1. "Aujourd'hui, nous ne pouvons que constater que nous n'avons pas de garantie", a observé Jean-Marc Nollet.
Les travaux de la commission auront été compliqués jusqu'au bout, la majorité ayant voté, sur un malentendu, un amendement de nature légistique proposé par les services juridiques de la Chambre. Un nouvel amendement devrait être déposé en séance plénière pour rétablir le texte original.