Ce jeudi à midi, le Parlement européen a voté massivement en faveur de l'adoption d'une loi sur les secrets d'affaires (En terminologie juridique, les secrets d'affaires sont des informations gardées confidentielles afin de préserver un avantage compétitif): 503 pour, 131 contre et 18 abstentions. La proposition de cette loi remonte à novembre 2013. Son vote, deux ans et demi plus tard, fait polémique parmi un grand nombre de journalistes et de défenseurs des libertés. En effet, selon ces personnes, cette directive pourrait permettre à des entreprises comme le bureau d'avocats Mossack Fonseca, à l'origine du scandale des Panama Papers, de poursuivre des journalistes qui dévoilent des documents confidentiels.
L’adoption de cette directive est "un signal erroné de la part de cette assemblée, dix jours après la publication des Panama papers. Cela va rendre la tâche plus difficile aux lanceurs d’alerte et aux journaux. C’est eux et non les entreprises qui auront la charge de la preuve", a regretté Philippe Lamberts, eurodéputé Ecolo, à nos confrères du Soir.be. Celui-ci a voté contre. Voici le détail du vote des eurodéputés belges.
Pour
Louis Michel (MR)
Frédérique Ries (MR)
Gérard Deprez (MR)
Contre
Philippe Lamberts (Ecolo)
Claude Rolin (CDH)
Abstention
Marc Tarabella (PS)
Hugues Bayet (PS)
Marie Arena (PS)
Pascal Arimont (Parti social-chrétien germanophone)
Une directive imaginée pour protéger l'innovation et la stimuler en Europe
"Le détenteur d'un secret d'affaires ne détient pas de droits exclusifs sur les informations couvertes par ce secret. Cependant, afin de promouvoir l'efficience économique et la compétitivité, il est justifié d'imposer des restrictions à l'utilisation d'un secret d'affaires lorsque les savoir-faire ou les informations en question ont été obtenus de manière malhonnête et contre la volonté de leur détenteur. L'appréciation au cas par cas du caractère nécessaire et proportionné de ces restrictions relève des tribunaux", explique la Commission pour justifier la directive.
Dans la directive, on peut lire que les secrets d'affaires concernent une large gamme d'informations, qui va des connaissances technologiques aux données commerciales telles que les informations relatives aux clients et aux fournisseurs, les plans d'affaires ou les études et stratégies de marché.
Opposition à la loi
Une plateforme en ligne permettant aux citoyens d'appeler gratuitement leurs eurodéputés pour leur demander de rejeter la directive sur la "protection du secret des affaires" avait été lancée mardi à deux jours du vote du Parlement européen. Le collectif regroupe des journalistes, lanceurs d'alerte, scientifiques, ONG, associations et syndicats européens.
Cette plateforme, piphone.lqdn.fr, développée par l'association de défense des droits et libertés des citoyens sur internet La Quadrature du net, permettait à tout un chacun de choisir n'importe lequel des 751 députés européens et de l'appeler dans son bureau de strasbourgeois, où le Parlement est réuni en session cette semaine, pour le convaincre de ne pas voter pour la directive, expliquait le collectif dans un communiqué.
"Alors que les 'Panama Papers' ont rappelé l'importance du travail des lanceurs d'alerte pour l'intérêt général", les eurodéputés, s'ils votaient pour, "adopteraient une directive ouvrant un droit supplémentaire aux poursuites contre ceux qui ont permis ces révélations", expliquait le collectif.
Il mettait en garde contre un texte "qui se propose de donner à des entreprises comme le cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca", au centre du scandale des "Panama papers", "des moyens juridiques supplémentaires pour poursuivre des journalistes ou des entreprises de presse publiant sans leur consentement des documents et des informations internes".
Le projet de directive "secret des affaires" vise à instaurer un socle juridique européen pour lutter notamment contre l'espionnage industriel et protéger l'innovation.
Il a suscité une levée de boucliers parmi les journalistes, lanceurs d'alertes, défenseurs des droits de l'homme, scientifiques, associations, ONG et syndicats. Ils craignent que les infractions à ce secret interviennent dès que des informations seront diffusées, notamment pour alerter le grand public sur des sujets d'intérêt général, et d'être poursuivis en justice et condamnés pour avoir fait leur métier.
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