Les Bulgares ont largement élu dimanche un président russophile, le socialiste Roumen Radev, provoquant la démission du Premier ministre conservateur Boïko Borissov au risque d'une nouvelle période d'incertitude pour leur pays membre de l’Union européenne. En Moldavie, pays non membre, c’est le candidat prorusse Igor Dodon qui a remporté dimanche la première élection présidentielle directe en Moldavie depuis 20 ans.
Roumen Radev, ancien pilote et chef de l'armée de l'air, est crédité d'une confortable victoire avec près de 60% des suffrages, selon les décomptes de deux instituts de sondage, contre un peu plus de 35% à son adversaire soutenue par M. Borissov. L'élection de Roumen Radev constitue un échec cinglant pour le chef du gouvernement qui a aussitôt annoncé sa démission, comme il en avait averti les électeurs avant le scrutin. Si les Bulgares "désirent une crise politique, ils l'auront", avait prévenu M. Borissov, 57 ans, dont le mandat courait jusqu'en 2018. "Les résultats montrent clairement que la coalition au pouvoir n'a pas de majorité", a-t-il observé.
Le départ de Boïko Borissov devrait entraîner des législatives anticipées et une période d'incertitude pour ce pays pauvre de l'UE, qui avait connu en 2013 des manifestations massives contre la corruption, plusieurs mois d'instabilité politique... et une première démission du Premier ministre Borissov, alors au pouvoir depuis 2009.
Victoire d’un inconnu en politique mais proche de la Russie
Le général Radev, élu pour 5 ans et totalement novice en politique, aura créé la surprise de bout en bout, devançant dès le premier tour sa rivale, Tsetska Tsatcheva, critiquée pour son manque de charisme et cible de la déception des électeurs à l'égard de la majorité.
Sans étiquette mais soutenu par les socialistes (PSB, ex-communiste), M. Radev ne cache pas vouloir favoriser le dialogue avec la Russie. Il a confirmé, après sa victoire, son intention de "travailler étroitement avec le gouvernement, et avec les collègues de l'UE, en vue d'une levée des sanctions" européennes contre Moscou. "Le président qui représente le pays dans les relations internationales doit être actif", a-t-il ajouté. Il avait estimé durant la campagne que "la Crimée (péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014) est de fait russe".
La Russie financerait les mouvements anti-UE dans les ex-républiques soviétiques
Le rôle du président bulgare est essentiellement protocolaire, c'est le gouvernement qui définit la politique générale, y compris la politique étrangère. Dramatisant l'enjeu, le parti de M. Borissov (Gerb - "Citoyens pour un développement européen de la Bulgarie") avait appelé à la mobilisation contre "le général rouge". Mme Tsatcheva avait mis en garde contre "un isolement international" du pays.
Dans un entretien paru dans la presse autrichienne dimanche, le président sortant Rossen Plevneliev, issu de la majorité, s'est dit inquiet des tentatives de la Russie de "déstabiliser l'Europe", accusant notamment Moscou de financer des mouvements hostiles à l'Union européenne, y compris en Bulgarie. Le pays est largement dépendant du gaz russe.
M. Radev défend sa neutralité en rappelant être "général de l'Otan formé aux Etats-Unis" et a souligné que l'"appartenance à l'UE et à l'Otan n'a pas d'alternative".
Un "vote de protestation"
La présidente du parlement s'était présentée en candidate de la stabilité pour le pays mais "les gens en ont assez d'écouter Gerb se vanter, alors qu'ils ne voient pas d'amélioration de leur niveau de vie", selon Antoniy Todorov, professeur de sciences politiques à la Nouvelle université bulgare.
Parvan Simeonov, directeur de l'institut Gallup, parle d'un "vote de protestation" dans un "contexte international qui encourage la volonté de changement: écroulement des autorités traditionnelles en Europe occidentale, changement radical aux Etats-Unis, hausse des ambitions de la Russie".
Vers de élections législatives anticipées
Le président sortant va charger les responsables de partis de former un nouvel exécutif puis en cas d'échec, quasi certain, nommer un gouvernement intérimaire. Son successeur, qui entrera en fonction le 22 janvier, convoquera des élections anticipées, au plus tôt en mars 2017. Boïko Borissov reste malgré tout favori pour remporter ces législatives tout comme il était revenu au pouvoir en 2014, un an après sa première démission.
La Moldavie suit le même chemin
Une élection présidentielle avait également lieu dimanche en Moldavie et a vu un prorusse, Igor Dodon, battre une candidate proeuropéenne, Maia Sandu. M. Dodon s'impose avec quelque 55,3% des suffrages. "Nous avons gagné. Tout le monde l'a compris", a déclaré Igor Dodon lors d'un point de presse nocturne.
Au premier tour le 30 octobre, Igor Dodon, chef du Parti des socialistes et ancien ministre de l'Economie dans un gouvernement dirigé par des communistes, a rassemblé plus de 47% des suffrages, parvenant donc presque à la majorité absolue nécessaire à la victoire. Maia Sandu, ancienne ministre de l'Education qui a travaillé à la Banque mondiale, avait quant à elle eu 38% des voix.
Un accord commercial avec l’Europe avait entraîné des représailles russes
L'élection, rendue possible par une décision de justice à la suite d'importants mouvements de protestation dans l'ancienne république soviétique, indique une volonté de s'éloigner de l'Union européenne et d'amorcer un rapprochement avec Moscou.
La présidentielle a mis aux prises les partisans d'un rapprochement avec la Russie et les défenseurs d'une intégration à l'Union européenne. M. Dodon a notamment promis d'oeuvrer à modifier le volet économique de l'accord d'association avec l'Union européenne signé en 2014 par les autorités proeuropéennes moldaves au grand dam de Moscou et de faire en sorte que le pays puisse "faire du commerce avec la Russie comme avec l'UE".
Cet accord a notamment permis l'ouverture graduelle du marché européen aux produits moldaves et, actuellement, la moitié des exportations de la Moldavie sont absorbées par l'UE. Mais cette démarche a suscité la colère de Moscou qui a aussitôt imposé un embargo sur les fruits et la viande moldaves, pénalisant une population vivant principalement de l'agriculture.
Un pays extrêmement pauvre
La Moldavie, dont 78% de la population est composée de Roumanophones et environ 14% de Russes et d'Ukrainiens, est l'un des pays les plus pauvres d'Europe. 41% de ses habitants vivent avec cinq dollars par jour, selon la Banque mondiale.
La Moldavie est par ailleurs ébranlée par une profonde crise politique, depuis la découverte l'an passé de la disparition d'un milliard de dollars des caisses de trois banques du pays, soit l'équivalent de 15% du produit intérieur brut (PIB).
Ces révélations avaient provoqué d'énormes manifestations, réunissant aussi bien proeuropéens que prorusses, issus de forces de droite comme de gauche. Depuis, trois gouvernements proeuropéens se sont succédé sans calmer la colère des Moldaves, qui jugent leur classe politique largement corrompue.
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