L'Union européenne a autorisé ce vendredi l'importation et la commercialisation de 19 OGM, deux jours après avoir proposé aux Etats membres une réforme leur permettant d'interdire leur utilisation sur leur territoire.
Onze produits de la multinationale américaine Monsanto -plusieurs variétés de soja, maïs, colza et coton- figurent au nombre des OGM autorisés, a précisé la Commission dans un communiqué. Les huit autres sont des produits de la firme américaine Dupont et des groupes allemands Bayer et BASF. Dix-sept de ces OGM sont destinés à l'alimentation animale et humaine, deux sont des fleurs coupées.
Les Etats membres divisés
Ces autorisations "étaient en suspens", car les Etats membres ne sont pas parvenus à constituer une majorité pour ou contre leur commercialisation. L'autorisation est immédiate et vaut pour 10 ans. En vertu des règles actuelles, 58 OGM avaient déjà reçu l'autorisation d'importation dans l'UE, essentiellement pour l'alimentation animale. A chaque fois, l'exécutif européen a dû trancher, même en traînant les pieds, faute de consensus au sein des Etats (environ 40% pour, 35% contre et 25% abstentionnistes). Selon les services américains, l'UE a importé en 2014 pour 3,1 milliards d'euros de produits OGM des Etats-Unis, d'Argentine, du Brésil et du Canada.
Si nos gouvernements votent une réforme, ils pourront dire "non"
Si les gouvernements européens approuvent la réforme présentée mercredi, ils pourront interdire l'utilisation des OGM sur leur territoire. Dans le cas contraire, les règles applicables seront celles qui ont conduit la Commission européenne à autoriser la commercialisation des OGM: si l'Agence de sécurité alimentaire conclut qu'ils sont sans risque pour la santé animale et humaine.
La Commission européenne a en effet proposé une réforme des règles d'importations des OGM dont le but est de faciliter leur entrée dans l'Union européenne, en échange de la possibilité pour les Etats de bannir leur utilisation. Cette réforme maintiendrait le système actuel qui contraint la Commission à ouvrir le territoire européen aux importations d'OGM en l'absence de majorité de blocage des Etats. Mais elle veut permettre aux Etats de refuser l'utilisation d'OGM sur leur territoire, s'ils invoquent "des motifs légitimes". L'UE a avalisé le mois dernier une réforme similaire pour l'autorisation des cultures OGM. La proposition doit être négociée entre les Etats et le Parlement européen.
La question divise au sein même de la Commission. Les commissaires socialistes français, Pierre Moscovici, et maltais, Karmenu Vella, jugent que le projet ne donne pas assez de garanties juridiques aux Etats choisissant de bannir l'utilisation des OGM, a-t-elle précisé. En face, la libérale suédoise Cécilia Malmström, chargée du Commerce, et le conservateur allemand Günther Oettinger, sont contre toute possibilité d'exemption pour les États. Une telle option serait "un casse-tête" pour nombre de gouvernements, écartelés entre leurs engagements environnementaux et le soutien aux filières consommatrices d'OGM, a souligné une source proche du dossier.
USA et industriels crient au scandale
Les industriels producteurs d'organismes génétiquement modifiés (OGM) et ceux de l'agro-alimentaire ont dénoncé un obstacle aux affaires. Le représentant américain au Commerce, Michael Froman, s'est fendu d'un communiqué pour exprimer sa "vive déception". "Proposer ce genre d'action restrictive en matière de commerce n'est pas constructif", alors que les Etats-Unis et l'UE négocient un vaste traité de libre-échange, a-t-il déclaré.
La Biotech Crops Alliance a dénoncé, au nom des producteurs américains, une "fragmentation" du marché unique, laissant planer la menace de recours devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). "L'administration américaine a fait tous les étages à Bruxelles contre le projet", a confié à l'AFP une source proche du dossier.
Quatorze associations représentant l'agro-industrie européenne, dont la Copa-Cogeca, principal lobby agricole de l'UE, ont appelé au rejet de la réforme, au vu de la dépendance de l'élevage européen envers le fourrage OGM et du risque de distorsions de la concurrence.
Critiques de Greenpeace à l'égard de Jean-Claude Juncker
Cinq organisations environnementales, dont Greenpeace et les Amis de la Terre, ont accusé M. Juncker de violer ses promesses d'une gestion plus démocratique du dossier des OGM face aux pressions des multinationales, au premier rang desquelles le géant américain Monsanto. Greenpeace a pointé le risque "de sacrifier les intérêts des Européens sur l'autel de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis". La Commission "sème la zizanie" pour "avoir les mains libres", a accusé l'eurodéputé Vert français, José Bové.
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