Des images satellite américaines excluent que l'avion commercial russe qui s'est écrasé ce week-end dans le Sinaï en Egypte ait été frappé par un missile, ont expliqué mardi des responsables militaires US à la chaîne ABC.
"L'hypothèse selon laquelle l'avion aurait été touché par une roquette est exclue", a indiqué une source anonyme. Les images infrarouges transmises par un satellite américain montrent un flash de chaleur alors que l'appareil survole le territoire égyptien. Les analystes estiment qu'il pourrait s'agir d'une explosion, depuis le réservoir de kérosène ou à la suite de la détonation d'une bombe à bord de l'appareil. Mais aucun élément ne va dans le sens d'un projectile tiré depuis le sol, selon les sources d'ABC.
Le renseignement américain a exclu que l'avion a été abattu par un missile mais le flash de chaleur observé par le satellite "suggère qu'un événement catastrophique -- y compris peut-être une bombe -- s'est produit en vol", indique également CNN, tout en soulignant que les experts examinent d'autres possibilités.
Une erreur humaine ou un incident technique exclus
Une version des faits que semble soutenir James Clapper, le chef du renseignement américain, pour qui rien n'indique qu'un missile soit à l'origine du drame. Celui-ci a cependant ajouté qu'il était encore trop tôt pour exclure la responsabilité de l'organisation Etat islamique, qui a revendiqué l'attaque contre l'aéronef.
Mais pour la direction de la compagnie aérienne russe Metrojet, seule une "cause extérieure" pourrait être à l'origine du crash, une erreur humaine ou un incident technique étant exclus. "L'unique cause explicable serait une action mécanique sur l'aéronef", a déclaré le responsable des opérations aériennes de Metrojet, Alexandre Smirnov. Selon lui, "il n'existe pas de combinaison de défaillances du système qui pourrait mener à la dislocation de l'appareil en plein vol."
Ni un missile, ni un problème technique, donc une bombe
Pour l'heure aucune explication officielle étayée par les analyses de l'épave et des enregistreurs de bord n'a été avancée. Les enquêteurs ont commencé mardi à analyser le contenu des boîtes noires de l'Airbus, qui pourrait permettre de déterminer la cause du crash. Seule certitude pour l’instant, tout le monde exclut donc que l’avion ait pu être atteint à 10.000 m d'altitude par un missile tiré de l'épaule, du type de ceux dont dispose l'EI dans le Sinaï. Reste donc deux hypothèses: un problème technique qui provoque une explosion et une dislocation immédiate de l'appareil ne laissant pas le temps au pilote de communiquer, mais qui est un cas rarissime selon les experts et totalement exclu par Metrojet, ou une bombe, apportée dans l'appareil par un occupant ou placée par un membre du personnel au sol.
L'EI a gagné, même s'il n'est pas responsable
L'Airbus A321-200 de la compagnie charter, qui s'est écrasé à l'aube samedi dans le désert égyptien du Sinaï, avait décollé de la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh à destination de Saint-Pétersbourg. Les 224 passagers qui se trouvaient à son bord ont perdu la vie. Qu'il soit ou non responsable de ce drame, le groupe Etat islamique (EI) a au moins réussi à instiller le doute et porté un nouveau coup à l'Egypte, qui souffre d'une désaffection des touristes. La branche égyptienne de l'EI a affirmé quelques heures après le crash qu'elle avait "fait tomber l'avion", sans plus de détails, en représailles aux bombardements russes en Syrie.
Désertion des touristes
Et en attendant les résultats de l'enquête, trois compagnies de premier plan -Air France, Lufthansa et Emirates- ont décidé de ne plus survoler le Sinaï. Au départ de la Belgique, Thomas Cook et Jet Airfly, ont pris la même décision. Des touristes, qui se détendent par millions chaque année dans les stations balnéaires égyptiennes de la mer Rouge, risquent maintenant de déserter un peu plus le pays des pharaons, alors que ce secteur a déjà considérablement souffert depuis la révolte populaire de 2011 et les années de violences qui ont suivi.
"Une victoire temporaire pour l'EI"
"La revendication de l'EI est crédible parce que sa branche en Egypte n'a jamais menti sur ses actions", assène Mathieu Guidère, expert français du terrorisme et auteur de "Terreur, la nouvelle ère", résumant les commentaires de nombre de ses collègues. Qu'il ait ou non commis un attentat, "en terme de perception, c'est à n'en pas douter une victoire temporaire pour l'EI, ne serait-ce que parce qu'ils ont réussi à être le sujet principal des conversations pour un moment", estime HA Hellyer, spécialiste des Affaires arabes au Royal United Services Institute à Londres. "Ce qu'ils ont réussi à faire, c'est façonner le scénario de ce qui est arrivé à cet avion", renchérit le professeur Fawaz Gerges spécialiste du Moyen-Orient à la London School of Economics à Londres. "C'est tout ce qui importe à l'EI: montrer sa capacité à frapper, son infaillibilité quant il faut montrer à sa base qu'il a le pouvoir de se venger de ses ennemis, en particulier la Russie", ajoute M. Gerges. "C'est aussi comme cela que l'EI peut avoir un impact direct sur l'industrie du tourisme".
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