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Le temps presse pour Kevin Mayer : à trois semaines de la date limite, le double champion du monde et double médaillé d'argent olympique du décathlon fait de celui des Championnats d'Europe d'athlétisme, lundi et mardi à Rome, sa "dernière chance" de composter son billet pour les JO de Paris.
Comme il n'est plus allé au bout des dix épreuves d'un décathlon depuis juillet 2022 à Eugene (Etats-Unis), quand il a conquis son deuxième titre mondial, Mayer n'a pas encore en poche son dossard pour le Stade de France fin juillet.
Pour l'épingler, il doit impérativement terminer un décathlon avant le 30 juin, terme de la période de qualification olympique ouverte depuis fin 2022, idéalement en réalisant les minima olympiques fixés à 8.460 points.
"Dans ma tête, là, c'est (la) dernière chance", résume Mayer.
"Je n'ai plus envie d'être dans l'esprit de me dire +Il y a encore des décathlons après+, d'aller galérer, de voyager encore... Je suis pas un pro des +qualifs+, j'ai toujours galéré pour me qualifier, rappelle le détenteur du record du monde du décathlon (9.126 points en 2018). Mais c'est une case par laquelle je dois passer."
"On aimerait que ce soit plus simple, mais pour le storytelling, c'est pas mal", sourit-il.
- "Comme un moine" -
Il y a d'abord eu son abandon après deux épreuves aux Mondiaux de Budapest en août 2023, la faute à un tendon d'Achille douloureux.
Puis plusieurs plans envisagés sont tombés à l'eau les uns après les autres. A Brisbane mi-décembre, au bout d'un stage en plein été austral, le décathlonien de 32 ans a renoncé à se lancer. Fin mars à San Diego, en Californie, il a dit stop au cours de la quatrième épreuve, le saut en hauteur.
Mayer est alors devenu très discret sur ses intentions, jusqu'à la surprise romaine, à la faveur d'une invitation de la Fédération européenne d'athlétisme.
"J'avoue que je vis un peu comme un moine chez moi en ce moment parce que dès que je sors, on me crie dessus +Tu te qualifies quand ?+", raconte le Montpelliérain.
"C'est sûr que les Championnats d'Europe ont fait beaucoup d'ombre à tous les autres décathlons (qu'il envisageait pour se qualifier) : un décathlon avec le maillot de l'équipe de France, aux +Europe+, dans cette ambiance que j'aime tant, c'est plus plaisant qu'un décathlon normal pour aller chercher des minima", explique le double champion du monde (2017 et 2022).
Dans quelle forme se sent-il ?
"Je ne sais pas trop ce que j'ai dans les jambes mais je sais que je me sens bien à l'entraînement", répond Mayer.
- "Très en forme, pas en forme olympique" -
"Je sais aussi que je me prépare à fond pour les JO : nerveusement, je ne peux pas être à deux endroits à la fois. Je sais que je ne suis pas en forme olympique mais je sais que je suis très en forme et que je me sens bien mentalement", poursuit-il.
Une fois n'est pas coutume pour lui souvent en délicatesse avec son corps, très à l'écoute de ses sensations, "je n'ai rien aujourd'hui qui pourrait m'empêcher de faire une épreuve", considère Mayer, "assez serein".
L'enjeu de ces 48 heures romaines ? Trouver le bon équilibre entre se qualifier et se préserver. Pas dans sa nature.
"Le but, ça va être de me freiner tout au long de ce décathlon, décrit le double médaillé d'argent olympique (2016 et 2012). Parce que je suis capable de faire un décathlon à 200% dans l'année, mais pas deux."
"Ce sont des Championnats d'Europe, je n'ai qu'une envie, c'est d'exploser la piste, avoue-t-il. Mais toutes les cinq secondes, je me répète minima, minima, minima. Même si je n'ai jamais été champion d'Europe, ce n'est pas l'objectif cette année."
Et si ça tournait mal ?
"Si je fais zéro au saut en hauteur, je repars sur un autre décathlon, je n'abandonne pas les Jeux comme ça !, rassure Mayer. Mais le moment présent, c'est que je fais les Championnats d'Europe et que j'ai une qualification (olympique) à aller chercher."