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La chanteuse afro-américaine, également actrice et femme d'affaires, sort vendredi minuit "Cowboy Carter", acte II de sa trilogie "Renaissance".
Beyoncé, reine mondiale du R'n'B et de la pop, dégaine son premier album étiqueté musique country, nourri par son Texas natal et mettant en lumière l'influence afro-américaine dans ce genre populaire à l'image très conservatrice.
Née à Houston d'une mère de Louisiane et d'un père de l'Alabama, Beyoncé, 42 ans, est devenue fin février, avant même la sortie de l'album, la première chanteuse noire à classer un titre en tête des palmarès de la country, genre musical très populaire aux États-Unis et traditionnellement associé à des hommes blancs.
Avec le succès du tube "Texas Hold 'Em", rythmé au son du banjo, et du single "16 Carriages", sortis lors du Super Bowl le 11 février, des artistes noires de country espèrent bénéficier d'une mise en lumière.
Depuis son premier groupe féminin de gospel et R'n'B, Destiny's Child, jusqu'à son tube de 2016 "Daddy Lessons", Beyoncé, épouse du rappeur et homme d'affaires new-yorkais Jay-Z (Shawn Corey Carter), a mis en avant son sud natal et l'influence de la country sur sa musique et son style.
Musiciens blancs conservateurs
Ce genre musical a toujours imprégné l'œuvre de "Queen Bey", dont le triomphe mondial bouscule les traditions d'une country plutôt associée à des musiciens blancs et conservateurs.
Selon des historiens de la musique, le banjo, instrument d'origine des musiques country, bluegrass ou folk, trouve ses racines aux Caraïbes au XVIIe siècle, joué alors par des esclaves noirs déportés d'Afrique vers les Amériques. Apporté dans l'Est des Etats-Unis, le banjo fut repris par des populations blanches des Appalaches aux siècles suivants.
La "country noire" a toujours existé, mais des musiciens noirs ont été tenus à l'écart du genre.
Beyoncé avait par ailleurs été victime de racisme en 2016 après avoir joué sa chanson country "Daddy Lessons", lors des récompenses de l'association de ce genre musical.
"Les critiques qui m'ont visée quand j'ai mis le pied dans (la country) m'ont forcée à dépasser mes propres limites", a-t-elle écrit récemment sur Instagram. Ce nouvel album "est le résultat des défis que je me suis lancés et du temps que j'ai pris à tordre et à mélanger les genres pour cette œuvre".
En 2019, l'une des chansons de l'année, "Old Town Road" du rappeur Lil Nas X, aux accents hip-hop et country, avait été retirée des classements country du Billboard, officiellement parce qu'elle ne comprenait pas suffisamment d'éléments de ce style. Ce qui avait fait polémique.
"Country purement blanche"
"Dès qu'un artiste noir sort une chanson country, les jugements de valeur, commentaires et critiques volent en escadrille", a fustigé dans le journal britannique The Guardian la chanteuse de folk et de blues Rhiannon Giddens, présente sur le titre "Texas Hold 'Em". Elle a dénoncé "des gens qui tentent de préserver la nostalgie d'une tradition (d'une country) purement blanche qui n'a jamais existé".
Ces dernières années, des artistes noirs ont tout de même réussi à percer dans la country, comme Mickey Guyton et Brittney Spencer. Signe de cette reconnaissance tardive, le célèbre morceau folk et country de Tracy Chapman sorti en 1988, "Fast Car", a reçu le prix de la meilleure chanson 2023 aux Country Music Awards, mais c'était après que le chanteur blanc Luke Combs en fit une reprise.
Pour Charles Hughes, auteur du livre "Country Soul: Making Music and Making Race in the American South", la période country de Beyoncé est "la revendication d'une partie de son identité musicale et de son ancrage à Houston", la métropole cosmopolite du Texas. Pour l'instant, "l'industrie musicale et la musique country dominées par les blancs demandent à des artistes noirs et métisses de faire preuve de sincérité et de bonne foi", poursuit l'analyste.
Ces 15 dernières années, Beyoncé "s'est vraiment tournée vers ses origines texanes", insiste M. Hughes, ce qui "a provoqué l'hostilité de "gens disant 'Oh, elle ne peut pas faire de la country'".