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Manifestement ému devant ses partisans réunis à la Maison de la Mutualité à Paris, le candidat d'extrême droite a appelé ses "électeurs à voter pour Marine Le Pen", au nom de la lutte contre l'immigration. Il avait pourtant tout au long de la campagne assuré que sa rivale du RN n'avait "aucune chance" de l'emporter face à Emmanuel Macron. Dans la salle, des larmes, des regrets et des militants "choqués", comme Tanguy David, un jeune partisan déjà habitué aux plateaux télé.
Vieux routier de la "droite hors les murs", Paul-Marie Coûteaux se désole d'un score "rachitique" pour le candidat Reconquête!. "C'est la conséquence de l'inexpérience. Il y avait trop de jeunes, souvent les amis de Sarah (Knafo)", la compagne et stratège d'Eric Zemmour, glisse-t-il à l'AFP.
Mais "LR est mort", poursuit-il pour se consoler, alors que Valérie Pécresse est huée. S'il a mobilisé ses troupes dans des meetings pleins à craquer, Eric Zemmour n'est pas parvenu à "renverser la table", ni à perturber le duel annoncé entre Emmanuel Macron et Marine le Pen.
Condamné à plusieurs reprises par le passé pour provocation à la haine raciale, l'ancien polémiste de CNews n'a pas dévié de sa ligne radicale en se lançant en politique: c'est le seul candidat à avoir fait campagne sur la théorie complotiste du "grand remplacement" des populations européennes par une population d'origine étrangère ou à dire que l'islam et l'islamisme, "c'est la même chose".
Il a été trempé dans un bain de merde
Une série de polémiques a rythmé son aventure présidentielle - un doigt d'honneur à une opposante à Marseille, des violences au meeting de Villepinte début décembre, des "Macron Assassin" au Trocadéro fin mars - l'empêchant de corriger une image dégradée dans les enquêtes.
"Il n'y a pas eu de campagne. Ça a été l'hyperdiabolisation, il a été trempé dans un bain de merde", lance le sénateur marseillais Stéphane Ravier, transfuge du RN.
La guerre en Ukraine fut un tournant, avec une dégringolade sondagière depuis fin février. Les positions du candidat sur les réfugiés ukrainiens, qu'il préférait voir accueillis en Pologne plutôt qu'en France, ont suscité des divergences dans son camp, notamment dans la frange catholique conservatrice.
Certains ont aussi critiqué l'omniprésence de Sarah Knafo. "Elle a très clairement un poids énorme dans la campagne, mais ce n'est pas une commissaire politique", nuance un cadre.
Le camp Zemmour aura enchaîné les mises en scène symboliques, au Mont-Saint-Michel ou au Trocadéro, et mis en avant les ralliements comme celui du LR Guillaume Peltier en janvier, du RN Nicolas Bay en février et de la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal, à contretemps en mars. Mais sans parvenir à inverser la tendance, ni à attirer d'autres LR de poids.
Je suis déterminé à poursuivre le combat
Démarrée très tôt, l'aventure s'est en outre terminée dans la "fatigue" et une certaine "fébrilité" lors des déplacements, concède un membre de l'équipe.
Au RN, on savoure. "Une présidentielle, ce n'est pas un fan club et ça ne se fait pas sur des coups", souligne Philippe Olivier, conseiller et beau-frère de Marine Le Pen.
La "Manif pour tous (mouvement opposé au mariage des couples homosexuels), ils marchent au canon. Ce sont des gens estimables, proprets", mais "c'est un milieu militant, pas représentatif de la France", lâche-t-il.
La réconciliation des deux camps ne sera pas une mince affaire, même si les militants promettent un "Tout sauf Macron" et que les sondages suggèrent un report de près de 80% des électeurs de Reconquête! vers le RN au second tour. Les cadres qui ont quitté le navire Le Pen, "on ne leur pardonnera jamais", lançait l'eurodéputé RN Jean-Lin Lacapelle fin mars.
Quel avenir pour le parti d'Eric Zemmour qui revendique plus de 120.000 adhérents ? Le jeune mouvement a rendez-vous dès juin pour des législatives délicates. Eric Zemmour a lâché du bout des lèvres une possible candidature, sans préciser où. "Je suis déterminé à poursuivre le combat", a-t-il assuré.