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2020 est décidément une année bien étonnante pour la jeune entreprise chinoise OnePlus. Souvenez-vous, au printemps dernier, l'entreprise créait des robots lanceurs de boules de neige en Laponie (j'avais assisté à cet étrange évènement).
Quelques semaines plus tard sortait la série 8, marquant l'arrivée de OnePlus dans le très haut-de-gamme, quittant alors son domaine de prédilection qui était de proposer d'excellents smartphones avec quelques légers compromis techniques qui permettaient de faire baisser la facture.
Comme pour démentir cette tendance à la hausse des prix, l'entreprise sortait durant l'été le Nord, un très bon compromis à 399€. Les observateurs étaient tout de même assez surpris par cette incursion sur le milieu de gamme, car le crédo de OnePlus avait toujours été de proposer "ce qui se faisait de meilleur" à ses utilisateurs.
Les N10 et N100 sont-ils encore des OnePlus ?
Dès lors, la sortie, cet hiver, de deux nouveaux smartphones (Nord est finalement une série…) se situant dans l'entrée de gamme est vraiment déroutante. Car pour arriver à des prix encore plus bas, OnePlus doit forcément faire encore plus de compromis. Surtout pour le N100 à 199€.
Une question légitime se pose: les Nord N10 5G (349€) et Nord N100 sont-ils encore des OnePlus ? Si on se réfère aux fondamentaux de la marque, non, clairement. Il y a de grosses concessions sur la qualité de l'écran, le design (hérité de la société sœur Oppo ?) et certains composants, vous allez le voir. Si on considère les déclarations de Pete Lau (le seul co-fondateur encore présent, car Carl Pei a quitté l'entreprise cette année), les petits OnePlus sont les symboles de la nouvelle stratégie de OnePlus. "La mission de OnePlus est (…) de rendre les technologies de pointe plus accessibles à un plus grand nombre d’utilisateurs. Les appareils OnePlus Nord N Series s’inscrivent dans notre stratégie visant à proposer des smartphones dans toutes les gammes de prix", a déclaré le patron de la marque.
Donc OnePlus devient finalement un fabricant de smartphones comme les autres qui essaient d'être présents sur tous les segments. Comme Samsung, Huawei et Xiaomi, les trois leaders du marché Android dans le monde. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Les fans de la première heure de la marque, ceux qui se souviennent de l'époque où il fallait obtenir une invitation pour acheter les OnePlus 1 et 2, crient déjà au scandale: l'âme de OnePlus s'est envolée. Celle qui faisait de chaque smartphone (un par printemps à l'époque, légèrement révisé à l'automne) le résultat d'une longue réflexion, de choix audacieux mais souvent judicieux pour obtenir un rapport qualité-prix imbattable. Un vrai problème se pose: les forces de développement logicielles seront davantage éclatées car les employés de OnePlus travaillent désormais sur 6 appareils par an (8, 8 Pro, 8T, Nord, Nord N10, Nord N100). Avec quelles conséquences sur les mises-à-jour, une des forces de OnePlus ?
Pour le grand public qui ne se soucie pas trop des stratégies ni de la rapidité des update, cependant, il n'y a pas vraiment de problème. Avoir une large gamme permet de goûter au logiciel OnePlus à bas prix (voir plus bas), et ceux qui veulent de plus solides performances par la suite se tourneront vers les modèles plus chers de la marque.
OnePlus Nord N10 5G: ce qui me plait
J'ai pu mettre la main sur le modèle le plus costaud des deux, le N10 5G.
Pour 349€, vous avez une fiche technique honorable: 6GB de RAM, 128 GB de stockage interne (extensible pour la première fois via carte microSD), la charge très rapide Warp 30T, une batterie de 4300 mAh, une prise mini-jack, deux haut-parleurs stéréo et surtout, une puce Snapdragon 690. Elle est milieu de gamme mais intègre un modem 5G et de nombreuses fonctionnalités auparavant réservées aux haut-de-gamme. J'ai fait tourner quelques jeux et tout s'est bien passé. J'ai lancé plusieurs applications les unes après les autres sans remarquer de lenteurs. Ce n'est pas aussi fluide et immédiat que sur les OnePlus 8T (Snapdragon 865) et OnePlus Nord (Snapdragon 765), mais ça reste une expérience Android de bon niveau.
Le seul avantage d'avoir des OnePlus abordables, c'est de permettre à un public plus large d'accéder à OxygenOS. Car au-delà des performances pures, il y a l'optimisation d'Android avec une surcouche logicielle soignée. C'est à la fois très sobre et discret (peu d'applications maison), mais également performant et pertinent: tout ce qui est ajouté à Android a du sens (essayez le Zen Mode, le Game Space), et surtout, c'est bien optimisé (l'interface est fluide). On reste sur de l'Android 10 pour le moment (alors que le 8T est sorti sous Android 11), mais OnePlus a l'habitude de mettre à jour rapidement ses smartphones. Reste à voir si cette politique continuera avec les smartphones entrée de gamme…
La partie photo est polyvalente, à défaut d'être très performante. Il y a 4 petits capteurs photo à l'arrière: un principal de 64 MP qui prend des photos de 16 MP (en fusionnant les pixels 4:1) et permet de zoomer légèrement (mais ça ne donne pas grand-chose); un grand angle de 8 MP pour mettre davantage d'image dans la photo ; un 'macro' (très gros plan) de 2 MP pas très impressionnant car manquant de détails ; un 'monochrome' de 2 MP pour prendre des photos en noir et blanc (est-ce bien utile avec l'abondance de filtres existant ?). Dans l'ensemble, il n'y a rien de très mauvais ni d'illogique pour un appareil à 349€ ; mais ne vous attendez pas à des résultats spectaculaires. On est assez loin – mais c'est normal – de ce que permettent les ténors de la photo que sont Huawei et Samsung.
OnePlus Nord N10 5G: ce qui me déplait
J'ai nettement plus de points négatifs. Il faut relativiser, car c'est un appareil à 349€ ; mais en même temps, et c'est là que OnePlus s'emmêle les pinceaux selon moi, le Nord de base à 399€ n'avait pas tous ces défauts…
Je commence par le plus visible, et c'est une première sur un OnePlus: l'écran de 6,49" est décevant. Logique: on est sur une dalle LCD IPS, et non OLED. Même si elle a un taux de rafraîchissement élevé de 90 Hz, ça ne suffit pas à combler les lacunes de ce type d'écran: balance des blancs faiblarde, couleurs qui manquent de vivacité, contraste en berne, manque de piqué et de netteté, angles de vue réduits. Tous ceux qui viennent d'un vieux smartphone bon marché ne seront pas choqués, bien entendu. Les autres auront l'impression d'avoir en main un appareil entrée de gamme, ce qui est plus ou moins le cas.
Vient ensuite un autre élément assez frappant: la finition. On est sur un dos en plastique brillant tout ce qu'il y a de plus commun pour les smartphones entrée de gamme. A nouveau, rien de choquant en soi à 349€, mais c'est une sacrée descente en gamme pour OnePlus. On est tellement loin des magnifiques dos en aluminium brossé de la série 3...
On continue: OnePlus avait été l'un des premiers fabricants à lancer le capteur d'empreinte digitale sous l'écran en 2018. Cette option disparait sur le N10 au profit du bon vieux lecteur dans le dos. Il a beau être assez performant, c'est une nouvelle marche arrière assez étonnante.
Enfin, en parlant d'absence, évoquons un autre 'mythe' de OnePlus qui disparait: l'interrupteur physique sur la tranche permettant de passer rapidement en mode vibreur ou 'silence total'.
Conclusions
Difficile de ne pas être surpris par la stratégie de OnePlus. D'un fabricant de 1 (ou 2) smartphone(s) par an, sur lequel elle pouvait concentrer toute son attention, la jeune entreprise chinoise est passée en 2020 à 6 modèles, dont deux situés sur le segment entrée de gamme, une première pour OnePlus.
Dans l'absolu, il n'est pas étonnant qu'une entreprise diversifie son portfolio pour toucher un public plus large. Samsung et Huawei le font depuis le départ et ça ne choque personne.
Mais OnePlus a bâti sa réputation au fil des années en créant d'excellents appareils pour une communauté de fans à laquelle elle présentait fièrement, chaque année, sa vision du smartphone idéal. L'an dernier encore, lors du lancement des OnePlus 7, le patron me disait que son crédo était d'offrir "le meilleur, mais au meilleur prix". Force est de constater que tout a changé en 2020. Et ce qui me chipote, c'est que OnePlus se met au marketing traditionnel. Quand Pete Lau dit dans le communiqué de presse des Nord N10 et N100 que "la mission de OnePlus est de mettre les meilleures technologies à la portée du grand public", il y a de quoi sourire…
Ma conclusion est claire: OnePlus aurait du se limiter au Nord de base, sorti en été. Un excellent smartphone qui, pour seulement 50€ de plus que le N10 5G (399€ au lieu de 349€), reste un vrai OnePlus à mes yeux - qui lui aurait permis de conserver sa belle image de marque. Le N10 5G que j'ai essayé n'a rien de mauvais, mais rien qui le démarque de la concurrence…
J'ai discuté avec le responsable pour l'Europe, et il estime qu'il y a en 2020 "une public différent, même au sein de la communauté OnePlus, qui est en attente d'appareils plus abordables". Selon lui, l'entreprise a tellement grandi, et les partenaires comme Qualcomm ont tellement amélioré les puces 'milieu de gamme', que c'était naturel de proposer des smartphones moins chers. Et ce, même si la différence entre le Nord et le Nord N10 n'est que de 50 euros.