Et si vous remplaciez Google pour la bonne cause ? Au lieu d'utiliser le plus célèbre et performant des moteurs de recherche, vous pourriez aller sur Ecosia.org, qui fait à peu près aussi bien pour l'essentiel. Le but ? Soutenir un projet bien précis: au moins 80% des bénéfices de cette société allemande sont investis dans la reforestation de certaines zones de notre planète. RTL info s'est entretenu avec l'un des responsables d'Ecosia.
On ne s'en rend plus vraiment compte, mais Google est devenu un outil du quotidien pour trouver ce qu'on cherche, que ce soit un site web, une info, une entreprise, une actu, un horaire de train ou un résultat de foot. Il a remplacé le dictionnaire, les rubriques d'un journal papier, les annuaires, les dépliants, etc…
C'est donc très intelligemment qu'Ecosia a choisi cette porte d'entrée pour attirer le public. Son concept est "très simple", selon Ferdinand Richter, responsable pour la France.
"Ecosia est comme Google, un site sur lequel on peut faire ses recherches quotidiennes sur internet. La seule différence, c'est que les revenus qui sont générés – à savoir environ 30€ par utilisateur et par année, en cliquant sur des publicités et des annonces sponsorisées – sont investis dans des causes justes: la reforestation de la planète".
Une initiative qui a touché Soufiane, qui se définit comme "un habitant de Bruxelles" tenant à faire connaître Ecosia, pour une bonne et simple raison: "informer notre monde sur les choses utiles, qui peuvent changer les choses". Il nous a donc adressé via notre bouton orange Alertez-nous ce qu'il considère comme "un message qui veut rendre le monde meilleur".
L'équipe d'Ecosia, avec Christian Kroll au centre, assis
Qui a eu l'idée ?
Ecosia est le fruit du long travail d'un entrepreneur allemand. "C'est Christian Kroll qui a eu l'idée, en 2009. C'est le fondateur. Il était depuis longtemps intéressé dans les moteurs de recherche. A un moment donné, il a fait quelques voyages, notamment au Brésil, où il a vu les dégâts de la déforestation. Il a rencontré des personnes qui lui ont expliqué à quel point l'arbre pouvait être une vraie ressource pour l'être humain, tout en faisant du bien à l'environnement", nous a confié Ferdinand Richter.
"Ça l'a tellement marqué qu'il a eu l'idée de créer un moteur de recherche, et au lieu de garder l'argent pour lui, il investirait l'argent dans la reforestation". L'idée d'Ecosia était née.
On nage ici dans les eaux de moins en moins troubles du 'social business', c'est-à-dire une économie plus responsable, où le bien-être des actionnaires et la hausse des bénéfices ne sont pas les préoccupations principales des patrons.
Celui d'Ecosia "a une profonde conviction que l'entreprise n'est pas juste là pour faire de l'argent, mais aussi pour prendre ses responsabilités par rapport à ce qu'il se passe dans le monde aujourd'hui".
Pour réussir son coup, Christian Kroll, "qui vient du monde de l'entrepreunariat, s'est vite entouré d'une petite équipe, et les compétences se sont ajoutées pour démarrer le projet".
La croissance s'est faite tout en douceur, car Ecosia a connu des prémisses avec d'autres moutures de sites web. "Ça a pris pas mal de temps – c'est peut-être aussi la philosophie allemande – et une fois que le produit est mûr comme maintenant, on voit que ça décolle". Aujourd'hui, "il est prêt à être utilisé par un grand nombre de personnes".
Un projet à Madagascar soutenu par Ecosia
3 millions d'utilisateurs actifs tous les mois, 6,5 millions d'arbres plantés
Ecosia existe depuis 2009, mais son développement s'est accéléré ces dernières années. "On est une petite entreprise, on ne compte que 19 salariés. Le rêve, forcément, c'est d'être présent partout, mais on y va 'une chose à la fois'. On commence dans les pays européens, et après il y aura les Etats-Unis, et différents autres pays. Au fur et à mesure, on s'installe. Mais Ecosia peut déjà être utilisé partout dans le monde".
Le moteur de recherche caritatif tire ses revenus majoritairement de la publicité générée par son activité principale: liens sponsorisés, publicités, etc... Et il est parfaitement rentable. "On parvient à payer toutes nos charges, y compris les salaires, et il reste encore beaucoup d'argent pour la reforestation. On a déjà investi environ 3 millions d'euros dans ce domaine, jusqu'à présent".
A titre d'exemple, dans le dernier rapport d'activités d'Ecosia (décembre 2016) consultable sur cette page, on peut lire que 276.935 euros ont été récoltés (chiffre d'affaire brut). De cette somme, 137.000 euros ont été consacrés à la plantation d'arbres, soit 83% du bénéfice de la société, qui détaille l'ensemble de ses charges (salaire, serveurs, bureaux, communication, etc). Les plantations se font via le financement d'initiative locale existante.
Intelligente, Ecosia ne dépense pas forcément tout son argent, et se constitue au fur et à mesure une réserve pour de plus gros investissements futurs.
Les chiffres sont par ailleurs en constante augmentation. "Depuis quelques mois, il y a vraiment quelque chose qui se passe. Il y a visiblement une prise de conscience des utilisateurs de la nécessité de faire quelque chose pour leur planète. Nos derniers chiffres font état de 3 millions d'utilisateurs actifs environ".
Ecosia compte aussi sur des dons, qui s'élèvent à l'heure actuelle à 2,8 millions d'euros au total.
Tout cela a déjà permis la plantation, à travers des dons financiers à des associations spécialisées dans la reforestation, de près de 6,5 millions d'arbres. Concrètement, Ecosia soutient actuellement des projets de plantations au Burkina Faso, à Madagascar et au Pérou. Ils permettent de produire de la nourriture pour les communautés locales, de maintenir la biodiversité et de transformer des zones arides en forêts.
"On s'est amusé à calculer que si 10% de la population mondiale des utilisateurs d'internet dans le monde privilégiait Ecosia, on pourrait 'reforester' toute la planète. Cela prouve qu'avec des petits outils du quotidien, on peut avoir un sacré impact. Le changement est réel, c'est possible !"
La page d'accueil d'Ecosia
Comment fonctionne le site ?
Evoquons d'abord un petit aspect technique: comment fonctionne le moteur de recherche, un outil qui a l'air tout simple mais qui nécessite des infrastructures et des développements compliqués.
"Créer un moteur de recherche aussi performant que Google, avec nos propres serveurs, c'était pratiquement impossible. L'idée ingénieuse au départ, c'est d'avoir trouvé un partenariat. Actuellement, c'est Bing qui fournit les résultats de recherche, et nous on rajoute quelques algorithmes pour les améliorer. Il y a un vrai partage du travail, du coup au niveau de la qualité du service, on est pratiquement à la hauteur de Google. Même si on est bien conscient qu'on a encore du chemin à faire, mais Google, avec les moyens qu'il a… Mais on n'a pas besoin que tout le monde utilise Ecosia, on est une alternative, on ne cherche pas à remplacer Google, qui fournit des services très bons, et ce serait dommage de ne pas les avoir…"
A l'usage, Ecosia ressemble au Google d'il y a quelques années, quand une recherche n'affichait qu'une liste de sites web. Ecosia le fait très bien, mais Google a pris une sacrée avance en proposant des résultats nettement plus riches (annuaire et coordonnées de tous les types d'établissements imaginables, avec les avis des utilisateurs, résultats de foot, horaires des vols d'avion, etc…).
Ecosia doit 'se contenter' de Bing, le moteur de recherche mis en place par Microsoft. C'est le plus gros concurrent de Google, avec 21,6% de part de marché en septembre 2016 (contre 63,8 pour Google…), qu'il doit sans doute au fait qu'il soit le moteur de recherche par défaut sur les PC équipés de Windows…
Au final, les résultats affichés par Ecosia sont pour le plus souvent corrects et satisfaisants pour un utilisateur lambda.
Pour l'instant, Ecosia ne touche pas trop à ces résultats. "On n'intervient pas pour la simple raison que les gens sont tellement habitués à Google, qu'on est obligé de ressembler à Google, afin que les utilisateurs ne soient pas trop perturbés par des différences. Mais nous pensons à une stratégie, celle de pousser un peu plus le côté écologique. Ça va venir, une fois que les gens seront prêts à entendre ces messages. Mais aujourd'hui, on partage nos projets écologiques sur nos réseaux sociaux, et pas dans nos résultats de recherche".
Projet de plantation au Pérou
La preuve qu'on peut changer les choses "avec nos choix de consommation"
En conclusion, et selon les propres mots du responsable pour la France et la Belgique, Ecosia "est un projet qui montre aux gens qu'avec un geste du quotidien, ils peuvent avoir un réel impact sur notre planète".
Et cela va en réalité bien au-delà du fait d'afficher des résultats sur un écran. "Nous avons trouvé comme solution ce moteur de recherche, mais les gens prennent conscience qu'aujourd'hui, avec leur choix de consommation, ils peuvent décider à quoi va ressembler demain, et éviter un futur sans animaux, sans arbres, etc…".
Notre interlocuteur est bien conscient qu'Ecosia n'est qu'une étape. "On aura beau replanter tous les arbres qu'on veut, si les gens ne changent pas leurs habitudes de consommation, ça ne sert pratiquement à rien".
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