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Redonner vie à Corto Maltèse à notre époque. L'idée à première vue a tout de l'opération suicide. C'était sans compter sur le duo Bastien Vivès (dessinateur et créateur de Lastman) et Martin Quenehen (Quatorze juillet) qui prouvent ici leur talent. La BD "Corto Maltèse, océan noir" s'inscrit complètement dans l'esprit du héros inventé par Hugo Pratt. Tous les ingrédients sont là. Un pirate-voyageur, adepte des rencontres, qui parcourt le monde à la recherche d'hypothétiques trésors.
Nous retrouvons notre personnage en plein océan avec son bateau. Il a accepté un contrat avec malfrat. Mais ça tourne mal. Des morts, du sang. Le voilà sauveur d'un vieux mafieux détenteur d'un secret. De quoi intriguer notre Corto qui débarque au Japon. Ce n'est que le début d'une aventure pleine de rebondissements en cette année 2001. Pour le dessinateur Bastien Vivès, il fallait un contexte fort pour faire évoluer Corto Maltèse au XXIè siècle. Comme l'explique le scénariste Martin Quenehen, "il m'a mis un flingue sur al tempe et ne m'a pas laissé le choix."
Il m'a mis un flingue sur la tempe
L'objectif des auteurs est de retrouver toute la force des récits d'Hugo Pratt tout en le rendant moderne et contemporain. Dans l'album, Corto change donc de look pour s'adapter à son époque tout en conservant ses traits caractéristiques. Le dessinateur Bastien Vivès est conscient que son pari est osé. Redonner vie à Corto tout en conservant ses caractéristiques. Un savant mélange qu'il m'explique, une plume à la main.
Incarner le mythe
La force de cette nouvelle aventure est de rompre avec les anciens albums du maître italien tout en restant dans son univers. Dans cette histoire, Corto Maltèse ne tient pas en place. Il va du Japon, au Mexique, au Pérou et revient en Espagne. Comme à son habitude, l'homme navigue à vue, se perd, s'échoue. Comme le dit Martin Quenehen: "voyager avec Corto, c'est tout sauf être blasé."
Ne pas être blasé.
Bien sûr, il a aussi un contexte. Le 11 septembre 2001. Mais les attentats ne sont pas évoqués directement, ils servent d'indication du temps. Corto évolue à un moment où le monde bascule dans la terreur mais lui-même n'est pas vraiment là. Comme toujours, il est présent mais ailleurs. Le dessinateur Bastien Vivès m'explique qu'Hugo Pratt lui-même mettait les guerres en arrière-plan de ses récits. L'auteur se souvient du 11 septembre 2001, Il a 17 ans.
Le 11 septembre 2001. J'ai 17 ans.
Dans quelques cases Corto croise le général Colin Powell et leur dialogue est typique. Il ne parle pas de la guerre mais évoque en hébreux son passé. Un échnage en décalage alors que l'Amérique vit le plus grand attentat de son histoire. Et puis il y a les femmes qui sont constamment présentes dans ce récit. Cheffe des services secrets japonais, reporter de guerre, médecin indigène dans les Andes, elles tissent une relation particulière avec le héros, toujours à l'esprit à la dérive.
Les femmes révèlent Corto
Cette BD pourra surprendre le lecteur assidu d'Hugo Pratt mais la magie opère. Ce Corto Maltèse version XXI siècle tient toutes ses promesses. Le dessin de Bastien Vivès est d'une grande lisibilité. Le rythme est soutenu, plus adapté à nos habitudes d'aujourd'hui. Pour Martin Quenehen, Corto Maltèse est un héros qui apporte le dépaysement, qui offre une autre vision.
Le monde a besoin de Corto
Au final, je conseille cette BD à tous les amateurs d'aventures. Le duo propose un album moderne, ludique et exotique. Les nostalgiques d'Hugo Pratt ne seront pas déçus (c'est mon cas) et les nouveaux venus seront surpris. Bastien Vivès et Martin Quenehen espèrent que ce premier essai annonce de possibles suites. Sans nul doute un des titres à ne pas manquer en cette rentrée culturelle.