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Le déconfinement est là, mais pas les concerts. Que vont faire chanteuses et musiciens? Keren Ann, Flavia Coelho et Malik Djoudi, hyperactifs durant le confinement, livrent à l'AFP leur réflexion dans cette ère floue.
Keren Ann, depuis son appartement parisien, donna rendez-vous tous les soirs sur Instagram, entre morceaux joués, éclairage des sous-textes et lectures de messages d'internautes adressés à d'autres.
"C'était important que ça ne soit pas un monologue, de donner une voix aux gens à travers leurs lettres, pour partager vécu, sentiments amoureux ou de détresse", confie-t-elle à l'AFP.
Des invités - l'actrice Irène Jacob, le chanteur Tom McRae, les musiciens du Quatuor Debussy, etc - sont également intervenus. Une communauté s'est fédérée en ligne. "Il m'ont soutenue autant que je les ai soutenus, et des personnes qui ne se connaissaient pas ont créé des groupes Facebook pour rester en contact".
L'interprète de "Bleue", son dernier album, a mis un terme à l'exercice - même si elle prévoit d'y revenir fin mai, réfléchissant à un format mensuel - comme une tournée qui s'achève. L'après demeure incertain. "J'ai annulé des dates de concerts et une grande partie des autres projets ne pourront pas être recasés".
- "Outils à donner" -
Pense-t-elle pouvoir monétiser des shows en ligne si le contexte sanitaire perdure ? "Je suis plus intéressée par des +workshops+ (ateliers) en guise de moyen de subsistance. Ca fait vingt ans que je suis dans le métier, j'ai une expérience, des outils à donner - en ligne, pourquoi pas - à des élèves d'académies musicales par exemple. Comment passer d'une chanson guitare-voix à des arrangements à cordes ou à vent, choisir un hautbois plutôt qu'une flûte".
"C'est un projet à préparer, avec recherche de sponsors, mais peut-être que la lourdeur administrative sera un frein". Si la formule des concerts en drive-in s'installe, elle s'y dit "prête, pour aider les tourneurs et les gens avec qui je travaille".
Pour Flavia Coelho, la plus parisienne des brésiliennes ("DNA", dernier disque), la période a été cruelle avec "quatre personnes qui ont compté" dans son "parcours et qui sont +partis+ à cause du Covid-19", décrit-elle à l'AFP. Pour donner un "moment de répit" à ses aficionados, "à ceux qui se sentaient seuls", elle s'est toutefois multipliée sur les réseaux, entre lives, DJ sets - bien suivis au Brésil - et même un inédit, "Bonne nouvelle", troussé avec son producteur-complice Victor Vagh-Weinmann.
- "Se battre" -
Cette boule d'énergie s'inquiète pour la suite, notamment pour les techniciens du milieu, "sans activité". Les concerts façon drive-in? "Il y a un côté +Grease+, pourquoi pas". Mais pour elle, "le métier devra se faire avec déontologie", pour ne pas reprendre trop vite "par respect pour la santé des personnes". Songeant à ceux "au chômage" dans son public, elle n'envisage pas de projets payants d'ici la fin de l'année. Elle promet en revanche de repasser par la case Youtube "pour donner des nouvelles, distraire".
Malik Djoudi ("Tempéraments", dernier opus) fut également un stakhanoviste en isolement entre festivals en ligne et contribution à des albums collectifs. "Music for containment" est paru et un autre est encore en gestation, avec la tête chercheuse électro Taur. "Je n'ai rien refusé (rires) et j'ai aussi à commencé à composer pour mon troisième album", expose-t-il à l'AFP.
Et maintenant? "Nous avons traversé une période bizarre et ce n'est pas fini. En réalité, personne ne sait rien, dans l'attente d'un vaccin ou d'un remède". Lui qui compare son milieu "à une famille, faite des producteurs de spectacle, tourneurs, attaché(e)s de presse" a "peur des séquelles" économiques de la pandémie pour ce biotope, avec "des budgets restreints" qui se profilent déjà.
"J'essaye de m'enlever ça de la tête". Il espère "que tout repartira en 2021". "La culture, ça a toujours été difficile, on a toujours eu à se battre pour exister et on se battra pour retrouver et donner des sensations".