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Stéphane vit avec le VIH: "Quand j'ai appris la nouvelle, cela a été une bombe, j’ai paniqué"

Stéphane, porteur du VIH, raconte les difficultés rencontrées depuis l’annonce de sa séropositivité. Le Namurois dit encore subir des discriminations, notamment dans sa vie sentimentale. S'il vit une vie "normale" grâce à un traitement, il estime que la maladie fait "toujours peur" dans la société et reste mal connue. En 2023, 665 personnes ont été diagnostiquées avec le VIH en Belgique, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2022. 

Stéphane est séropositif depuis maintenant 16 ans. Le Namurois a appris à vivre avec le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), le virus du Sida, en prenant un traitement tous les jours. 

"Quand j'ai appris que j'avais le VIH, cela a été une bombe, j’ai paniqué. C’était violent. C’était difficile à accepter", confie-t-il. "J’ai pensé aux projets que je voulais faire. Et quand j’ai pris mon premier médicament, je me suis dit que j’allais devoir vivre avec ça tout le temps."

Si Stéphane qualifie sa vie de "normale", il souligne que la maladie nécessite une certaine discipline. "Il faut avoir une hygiène de vie très stricte. Il faut manger équilibré, pour avoir une bonne immunité. C’est pas mal de traitements qu’il faut surveiller de très près. Ma vie n’est pas comme les autres car je dois prendre des traitements partout où je vais."

Dans sa vie sentimentale, parler du VIH constitue par ailleurs un frein, ce qu'il regrette amèrement. "Ma vie sentimentale est différente de celles des autres car il y a des personnes qui craignent de vivre avec une personne séropositive. Pour elles, ça fait peur. D’autres sont bornées, ne connaissent pas la maladie, pourtant on en parle. Certains sont aveugles et sourds, disent qu’on vit bien, mais c’est un grand mot. Ma vie est difficile pour trouver quelqu’un. J’entends qu’on vit bien avec la maladie, mais quand tu es sous traitement, il y a des conséquences derrière. La maladie est là. Oui, elle est indétectable, mais il faut vivre avec."

Stéphane dit ainsi avoir fait les frais de la discrimination. "Il y a des moments où je me sens discriminé. Si j’ai le malheur de dire que je vis avec la maladie, directement on va me montrer du doigt et trouver une excuse. On me dit qu’on n’a pas envie que je refile quelque chose", affirme-t-il. "Une fois qu’on a le VIH, on est dans un autre monde. Des proches peuvent vous rejeter. J’ai déjà entendu des témoignages. De mon côté, j'ai de la chance, j’ai un bon entourage." 

Le Namurois a avant tout voulu témoigner en vue d'éviter une banalisation de la maladie. "La maladie est toujours bien présente. Il faut se battre, prendre ses précautions. C’est faux de dire qu’on vit bien avec la maladie. Il y a des contraintes, des exigences. Le corps et le mental prennent un gros coup", dit-il. "J’aimerais aussi dire : 'Stop, arrêtez de faire des conneries, prenez vos précautions'. Il y a des préservatifs, allez les chercher. Il faut se protéger. Ce n’est pas porter le ruban le 1er décembre et l’oublier le 2. Non, c’est du 1er janvier au 31 décembre. Il faut se protéger. D’autant plus, qu’il n’y a pas que le sida."

 

Des discriminations dans tous les domaines de la vie

Thierry Martin, directeur de la Plateforme Prévention Sida, indique de son côté, qu'au niveau médical, "d’énormes progrès" ont été réalisés depuis une dizaine d'années.

"Maintenant, une personne séropositive, qui va prendre un traitement, va avoir une espérance de vie quasi-normale par rapport à la population générale. Et surtout, elle va vivre mieux", précise-t-il.

L'expert prévient: "Il reste important d’avoir une qualité de vie relativement importante, en évitant de fumer, de boire de l’alcool… pour que son organisme puisse mieux gérer la présence d’un virus, qui a quasi disparu, mais qui est encore là. Si à un moment donné, on arrête le traitement, le virus peut reprendre vie et faire des dégâts assez importants." 

Des discriminations toujours ancrées 

Thierry Martin rejoint également le témoignage de Stéphane concernant la discrimination dont font encore l'object les personnes porteuses du VIH.

"Ce qui continue de nous choquer, c’est la discrimination envers les personnes séropositives. Cela reste malheureusement trop présent aujourd’hui. Il y a encore des personnes qui rencontrent des difficultés à trouver par exemple un dentiste, un gynécologue… Il y a des personnes au niveau du travail qui continuent de discriminer car le sida continue malheureusement de faire peur. Or, on le sait aujourd’hui, une personne séropositive, qui va prendre un traitement, va avoir une charge virale indétectable et ne va plus transmettre le virus. C’est quand même une révolution, et on pensait que cette information allait favoriser une meilleure intégration des personnes séropositives, et des malades dans la société. Or, on voit que ce n’est pas encore le cas, car des personnes ne sont pas au courant aujourd’hui que les traitements sont devenus très efficaces. Il est important aujourd’hui de rappeler qu’on peut vivre avec une personne séropositive, qu’on peut avoir des enfants, sans prendre le risque d’être contaminé, et sans contaminer l’enfant. Les discriminations envers les personnes séropositives sont présentes dans tous les domaines de la vie. Cela reste compliqué aujourd’hui pour une personne séropositive de dire à quelqu’un qu’elle est séropositive. Car c’est souvent s’exposer à du rejet, de l’exclusion. Il y a aujourd’hui des adolescents qui sont nés avec le VIH, qui ont 25 ans, et qui sont confrontés à des rejets quand ils disent à un ou une partenaire qu’ils sont séropositifs. Alors qu’aujourd’hui, on peut avoir une vie normale."

L’épidémie repart à la hausse

La Plateforme Prévention Sida estime que la communication réalisée autour de la maladie reste primordiale. En 2023, 665 personnes ont été diagnostiquées avec le VIH en Belgique, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2022. Le dernier rapport de Sciensano fait état de 18.700 patients vivant actuellement avec la maladie.

"L’épidémie repart à la hausse car on a le sentiment aujourd’hui qu’il y a une banalisation qui entoure le sida. Les gens pensent que c’est moins grave qu’auparavant. C’est moins grave, mais on ne guérit toujours pas du sida. Il y a la discrimination envers les personnes séropositives. Il est donc important pour nous d’aller sur le terrain et de rappeler qu’on doit se protéger du sida, mais aussi des autres maladies sexuellement transmissibles, qui sont en augmentation elles aussi. Il est important de dépister régulièrement. Et surtout, si on est infecté, prendre des traitements pour sa santé", rappelle Thierry Martin.

"On avait réussi à faire reculer l’épidémie pendant une dizaine d’années. Mais, on voit que depuis 3 ans, elle repart à la hausse. Ces chiffres nous indiquent qu’il faut aller sur le terrain, pour faire des actions de sensibilisation. L’épidémie reprend, mais on a toutes les armes pour lutter contre l’épidémie de VIH (le préservatif, le dépistage et les traitements). Mais malheureusement, l’information reste insuffisante. Parfois, les gens pensent qu’ils n’ont pas pris de risque car ils ne connaissent pas bien la manière dont le sida se transmet. Il est important d’aller dans les écoles, sur le terrain, pour rappeler comment le VIH se transmet." 

 

Il y a beaucoup de traitements mis à disposition

Charlotte Martin, infectiologue au CHU Saint-Pierre, s'exprime de son côté sur les différentes avancées médicales réalisées ces dernières années.

"Pour les personnes porteuses du VIH, il y a beaucoup de traitements mis à disposition, dont l’immense majorité sont des traitements en une pilule par jour. Souvent une pilule qui contient plusieurs molécules extrêmement puissantes. C’est relativement facile à prendre car il y a très peu d’effets secondaires. C’est très efficace car cela permet à ces personnes de vivre une vie tout à fait normale, de travailler normalement, d’avoir une bonne santé et de pouvoir vivre aussi longtemps que quelqu’un d’autre. Cela permet aussi d’avoir une charge virale indétectable. On ne voit pas le virus dans les prises de sang. Cela permet quelque chose de très important, qui est le message I = I, soit indétectable = intransmissible. Cela veut dire que si vous avez une charge virale indétectable, vous ne pouvez plus transmettre le VIH, par exemple par la voie sexuelle. Vous pouvez avoir des rapports sexuels non protégés, sans transmettre le VIH, et donc avoir une vie sexuelle normale. I = I était le dernier obstacle avant la normalité, pour les personnes vivant avec le VIH. On avait déjà des traitements très efficaces qui leur permettaient de vivre longtemps, d’avoir une vie de qualité. Mais, il restait le fait de devoir porter des préservatifs jusqu’à la fin de sa vie." 

Et de poursuivre: "La pilule unique est disponible depuis le début des années 2010, et depuis deux ans, il existe des traitements en injection. Vous ne devez plus prendre de médicament en comprimé. Vous faites une injection intramusculaire tous les deux mois dans votre centre de référence. A part cette injection, vous êtes du coup un peu libre au niveau médicamenteux. Il y a de vrais progrès qui permettent aux personnes vivant avec le VIH d’être de plus en plus libérées des contraintes liées au VIH pendant très longtemps. Il y avait des grosses prises médicamenteuses à heures fixes, avec des effets secondaires. Le traitement en une seule pilule, c’est tous les jours. Des traitements vont arriver, et ça sera une fois par semaine. Du côté des injections, on espère pouvoir les faire tous les 4 mois ou tous les 6 mois. Tout converge vraiment vers une normalisation de la vie des personnes vivant avec le VIH. A présent, quand cette infection est prise en charge, c’est vraiment une infection chronique qui peut être facilement et parfaitement contrôlée."

Charlotte Martin estime aussi qu'une lutte contre les discriminations est nécessaire. L'infectiologue partage ce qu'elle a pu observer.

"Ce qui revient régulièrement de la part des patients, c’est que malgré cette normalisation médicale du VIH, il n’y a pas du tout de normalisation du VIH dans la société. Si je prends quelques exemples, dans le milieu de la santé, c’est encore très compliqué de dévoiler son statut VIH à certains professionnels de la santé, qui vont avoir très peur, qui vont parfois ne pas vouloir prendre en charge la personne. Il y aussi l’exemple des assurances, où de façon tout à fait systématique les personnes vivant avec le VIH doivent payer une surprime, comme s’ils avaient une maladie à pronostic très grave, comme un cancer ou un pronostic vital engagé. Alors qu’on a pu montrer à plusieurs reprises que les personnes vivant avec le VIH, quand elles sont bien suivies, bien traitées, vont avoir une espérance de vie qui est la même que la population générale. Il n’y a aucune raison de payer une surprime. C’est de la discrimination et de l’ignorance par rapport aux progrès qui ont été réalisés depuis plus de dix ans. Il est temps de s’informer. Quand on contrôle la charge virale, on a un patient qui est en bonne santé." 

Comment expliquer que l’épidémie reparte à la hausse?

"Je l’explique par la même chose que ce qui explique la stigmatisation et la discrimination dans notre société. C’est-à-dire par l’ignorance. Il y a de moins en moins de campagne de prévention. Il y a l’accès à la prep, un médicament préventif contre le VIH. C’est un médicament pour lequel les gens sont bien informés dans la communauté homosexuelle masculine. Il y a beaucoup de demandes de cette communauté qui se prend bien en charge. Mais dans d’autres communautés, qui sont très à risque d’acquisition de VIH, il n’y a aucune diffusion de communication par rapport à la prep.  Quand vous regardez les chiffres de 2023 concernant la prep, c’est 99% d’hommes qui la prenne. On peut se demander où sont les femmes. Nous voyons dans nos patients, qu’il y a certaines communautés de femmes qui sont à risque d’acquérir le VIH. En général, des communautés de femmes vulnérables. Des travailleuses du sexe, des femmes en situation de précarité. Il n’y a pas de campagne axée vers ces populations."

Et de conclure: "Dans la population générale, le VIH n’intéresse plus grand monde. On a l’impression que c’est une maladie du passé. Et dans certaines communautés, c’est un tabou encore lié à la sexualité. Je pense aux communautés africaines et afrodescendantes, où s’est encore très compliqué de recevoir un diagnostic de VIH et de le partager avec sa famille. Ce sont souvent des gens qui vont se faire rejeter par leur famille, alors que ce sont des moments où on a besoin d’un soutien de l’entourage."

 

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