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En 2019, Stéphane était directeur adjoint d’un établissement scolaire. Alors qu’il accueillait les enfants sur le parking de l’école, l’homme s’est fait renverser par un parent d’élève. Si le conducteur est décédé, laissant le volet pénal sans suite, Stéphane dénonce l'absence de soutien administratif de son employeur, qui complique sa quête de reconnaissance et de dédommagement.
À 40 ans, Stéphane (prénom d’emprunt), directeur adjoint d’un établissement secondaire, s’acquitte chaque matin de sa mission: superviser l’entrée des 800 élèves.
Mais en fin d’année scolaire 2019, tout bascule lorsqu’il fait face à un parent d’élève déterminé à entrer sur le parking réservé aux enseignants.
"Il voulait déposer son enfant, malgré mon interdiction. Je me suis placé devant son véhicule pour l’empêcher de passer. Il a alors avancé doucement pour m’intimider, jouant avec l’embrayage. Puis la voiture a bondi sur moi, me percutant au genou", raconte Stéphane via le bouton orange Alertez-nous.
Sous le choc, l’homme chute, tandis que l’automobiliste prend la fuite.
Des conséquences désastreuses
D’abord porté par l’adrénaline, Stéphane ne ressent la douleur que quelques heures plus tard.
Un arrêt de travail de 15 jours lui est prescrit, mais la période d’examens le pousse à continuer, avec des aménagements pour alléger ses déplacements:"Ma direction m’a fait comprendre qu’il serait mal vu de m’absenter à ce moment-là".
Le conducteur, retrouvé par la police grâce à sa plaque d’immatriculation, est convoqué au tribunal pour coups et blessures avec arme par destination.
Mais après avoir multiplié les reports d’audience, invoquant des certificats médicaux, il est révélé qu’il souffre d’une leucémie foudroyante. L’accusé décède fin 2020, mettant fin au volet pénal de l’affaire.
Du côté médical, Stéphane subit un long parcours de soins: kinésithérapie, chirurgiens, radios...
Je ne peux plus courir
Aujourd’hui, six ans plus tard, il souffre d’un kyste inopérable, conséquence directe de l’accident, et qui limite ses mouvements: "Je ne peux plus courir, monter des escaliers ou conduire trop longtemps".
Une carrière impactée
Deux ans après l’accident, Stéphane sollicite un poste plus proche de son domicile, en raison de ses douleurs chroniques.
J'ai dû faire des choix pour ma santé
Le réseau d’enseignement accède à sa demande, mais il doit abandonner son poste de directeur adjoint pour redevenir enseignant. "J’ai dû faire des choix pour ma santé, mais cela a freiné ma carrière", confie-t-il.
Une bataille administrative
En 2023, Stéphane remporte le procès civil pour obtenir des dédommagements de la part de l’assurance, mais celle-ci fait appel.
Elle pointe un élément clé du doigt: la déclaration de l’accident de travail, supposée être transmise au ministère dans un "délai raisonnable", ne l’a été que six mois après les faits.
Surpris, Stéphane s’interroge sur ce retard. Lorsqu’il demande des explications à son ancien employeur, il fait face au silence. "Mon établissement n’a ni envoyé correctement les papiers, ni mené une enquête pour vérifier les faits. C’est ce que me reproche maintenant l’assurance", déplore-t-il.
La partie adverse insiste sur ce point: l’absence d’enquête interne pour entendre les témoins présents sur place affaiblit le dossier. Pourtant, de nombreuses personnes ont assisté à la scène.
Lassé du manque de soutien, Stéphane a porté plainte contre son ancienne directrice. "Le vrai problème, ce n’est pas l’homme qui m’a renversé, c’est mon employeur, qui m’a laissé seul face à l’administration et à l’assurance".
La réponse de l’employeur
Cécile Marquette, porte-parole de Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE), confirme que la procédure d’accident de travail implique bien une déclaration à transmettre au ministère de la Communauté française.
L'accident a été reconnu par le ministère
"Il n’y a pas de délai strict pour envoyer cette déclaration, mais une analyse est toujours réalisée avant validation. Ce qui est étonnant ici, c’est que l’accident a été reconnu par le ministère, donc aucun problème administratif n’a été signalé", explique-t-elle.
Elle ne comprend donc pas pourquoi l’assurance conteste ce point: "Si le ministère a validé le dossier, pourquoi en douter?"
Justice a été rendue
Fin novembre, Stéphane apprend que le jugement de la cour d'appel lui est favorable, malgré le mutisme de son administration. Soulagé, il reste cependant amer face à cette situation: "Un agent victime de violence sur son lieu de travail devrait pouvoir compter sur son employeur. Là, je me suis senti complètement abandonné".