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Frédéric, un père de famille de Nivelles, a dû payer un supplément parce que sa fille n'avait pas pris le vol aller initialement réservé. Une mésaventure qui soulève des questions sur les clauses "no-show", dans le viseur des associations de défense de consommateurs.
Lors des vacances de la Toussaint, Frédéric, 49 ans, habitant de Nivelles, a emmené sa famille à Zanzibar. De très belles vacances qui se sont terminées par une pénalité inattendue de 500 $ imposée par Air France, nous raconte-t-il via le bouton orange Alertez-nous.
Frédéric avait acheté cinq billets aller-retour Bruxelles-Zanzibar via le site d'Air France en juin dernier, pour un total de plus de 5 500 €. Quelques semaines avant le départ, sa fille Léa, étudiante, apprend qu'elle a des cours obligatoires, les 23 et 25 octobre. Le voyage étant prévu le 23 octobre, Frédéric contacte Air France pour modifier ou annuler le vol aller de sa fille.
"On m'a dit que je ne pouvais pas obtenir de remboursement", raconte-t-il. "Pour déplacer son vol, il fallait payer 300 € de frais administratifs pour un vol arrivant le 26 octobre à 22h à Zanzibar." Trouvant cette option peu avantageuse, il décide d'acheter un billet aller simple avec une autre compagnie pour 500 €, permettant à sa fille d'arriver le 26 octobre à 7h du matin. "C’était juste pour que ma fille gagne une journée auprès de nous", explique-t-il.
Le jour du départ, à la gare de Bruxelles-Midi, Frédéric informe l'hôtesse du comptoir Air France que sa fille ne sera pas présente pour le vol aller. "Elle en a pris bonne note, mais ne m'a averti d'aucune conséquence", se souvient-il.
Une pénalité surprise au retour
Les vacances se déroulent sans encombre jusqu'au moment de l'enregistrement pour le vol retour à l'aéroport de Zanzibar. "On nous a dit qu'on devait payer 500 $ de pénalité parce que Léa n'avait pas effectué le vol aller avec Air France", raconte Frédéric. "On m'a parlé d'une 'policy', mais honnêtement, qui lit ce genre de conditions générales ?"
Pris au dépourvu, Frédéric se sent piégé. "Nos bagages étaient déjà partis sur le tapis roulant. Si nous ne payions pas, nous risquions de perdre nos billets. C'était frustrant."
Les billets doivent être utilisés dans l'ordre séquentiel.
Après avoir déposé une plainte auprès du service client d'Air France, Frédéric reçoit une réponse indiquant que des frais "Out of Sequence" s'appliquent lorsque l'ordre des segments de voyage n'est pas respecté, conformément aux politiques de la compagnie. Ils l'invitent à consulter les conditions générales de transport sur leur site internet.
Ces conditions stipulent en effet qu'un supplément tarifaire forfaitaire est prévu pour toute utilisation non conforme des "coupons de vol", notamment si le passager n'utilise pas le premier coupon ou ne respecte pas l'ordre des vols. Ce supplément s'élève à 500 € pour les vols intercontinentaux en classe Economy et Premium.
Le porte-parole d'Air France que nous avons contacté précise : "C'est bien mis dans le parcours d'achat du client que les billets doivent être utilisés dans l'ordre séquentiel. Je peux comprendre que peu de gens lisent, même s'ils s'engagent à les avoir lus. Mais encore une fois, quand vous l'achetez sur le site, vous avez le bouton conditions tarifaires. C'est écrit."
Testachats et le BEUC dénoncent un manque de transparence
L'association de défense des consommateurs Testachats est familière avec ce type de problème, connu sous le nom de clause "no-show". "Elles entraînent des coûts supplémentaires pour des consommateurs qui ne cherchent absolument pas à contourner les prix des compagnies aériennes", dénonce l'organisation.
La clause de no-show d'Air France a été jugée illégale en 2019 par le tribunal de l'entreprise de Bruxelles. Bien que la compagnie ait modifié la clause depuis, toutes les recommandations n'ont pas été suivies, estime Testachats. "La clause serait beaucoup plus transparente si, en langage simple, avec des exemples concrets et clairs, elle expliquait dans quelles circonstances le supplément doit être payé et pourquoi. De plus, ces informations devraient être communiquées de manière plus visible au consommateur, plutôt que via un menu déroulant au moment de la réservation", détaille l'association.
En outre, le tribunal avait énoncé que les pénalités étaient trop élevées, allant de 125 euros à 3.000 euros pour les vols long-courrier.
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) lutte également contre les clauses "no show" des compagnies aériennes. Il réclame leur interdiction stricte dans la révision du Règlement 261/2004 qui établit des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol. Le BEUC dénonce notamment l’opacité de ces clauses, les pénalités disproportionnées et le fait que les compagnies peuvent revendre les billets annulés. "Les consommateurs, dans la majorité des cas, ne manquent pas intentionnellement les vols, mais le subissent (retard à l’aéroport) et doivent donc repayer un vol souvent plus cher, car dernière minute", remarque encore Steven Berger, responsable juridique en charge des droits des consommateurs au BEUC.
Si j’avais eu toutes les données en main au départ, je n’aurais sans doute pas réservé un autre vol aller pour la fille.
"La plupart des gens ne sont pas au courant de l’existence de ce genre de pratique. Si j’avais eu toutes les données en main au départ, je n’aurais sans doute pas réservé un autre vol aller pour la fille", conclut Frédéric. Et le père de famille ne se fait pas d'illusions quant à ses chances de récupérer les 500 $ qu'Air France lui a demandés en supplément : "Juridiquement, je sais que je vais perdre mon temps".