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L'opposant antisystème Bassirou Diomaye Faye, encore en prison il y a une dizaine de jours, est donné vainqueur de la présidentielle au Sénégal, mais la confirmation de sa victoire, qui s'apparenterait à un séisme politique, reste en suspens.
M. Faye, 44 ans, jamais porté à une fonction élective nationale auparavant, garde le silence depuis qu'il a voté dimanche.
Son principal adversaire, le candidat du pouvoir Amadou Ba, a dit dans la nuit à des sympathisants qu'il s'exprimerait à la mi-journée, en assurant être "respectueux du droit, de la République et de ses institutions".
Des résultats officiels ne devraient pas être connus avant le courant de la semaine.
Après trois années d'agitation et de crise, les Sénégalais attendent donc toujours de connaître l'issue du scrutin de la veille, qui tranchera entre continuité et changement peut-être radical.
La commission électorale nationale a jusqu'à vendredi pour publier des résultats provisoires, avant leur validation par le Conseil constitutionnel.
"Au stade où nous en sommes, les jeux sont faits" en faveur de M. Faye, a déclaré à l'AFP Ababacar Fall, dirigeant du Gradec, une ONG pour la démocratie et la bonne gouvernance.
"Le candidat du pouvoir ne peut plus compenser l'écart au vu des tendances", a-t-il dit en se fondant sur des projections de son organisation à partir de 70% des bulletins.
Il faut la majorité absolue des suffrages exprimés pour l'emporter au premier tour. A défaut, les deux premiers disputent un second tour.
Les résultats publiés dans les médias et sur les réseaux sociaux placent le candidat Bassirou Diomaye Faye nettement devant celui du pouvoir et très loin devant les autres.
Des journaux proclament la victoire de M. Faye à leur une. "Diomaye le plébiscite", titre l'Observateur. "Happy Birthday Mister President", affiche Walf Quotidien.
Sa victoire "est presque acquise parce que d'après ce qu'on voit, d'après les chiffres qui viennent de tomber là, je vous dis qu'il n'y aura pas de deuxième tour", se réjouit Serigne Aïssanine, coordinateur jeunesse de la coalition Diomaye Président.
"C'est une révolution totale. Tout va changer. Du côté comportement, du côté social, du côté financier, tout va changer", déclare Coumba Diallo dite "Queen Biz", une chanteuse qui soutient M. Faye.
Au moins dix des 17 candidats ont félicité M. Faye au vu des résultats provisoires publiés par les médias. La certitude de la victoire a déclenché des scènes de liesse parmi ses sympathisants dans la capitale et en Casamance (sud).
Mais la direction de campagne du candidat du pouvoir s'est dite certaine que, "dans le pire des cas", M. Ba serait au second tour.
"Rupture"
Une victoire de M. Faye pourrait annoncer une profonde remise en cause systémique, pas seulement parce qu'il deviendrait le plus jeune président du Sénégal.
M. Faye, bénéficiant d'une loi d'amnistie, est sorti de onze mois d'emprisonnement dix jours avant l'élection, en même temps que son guide et chef de leur parti dissous Ousmane Sonko.
M. Faye se veut le "candidat du changement de système" et d'un "panafricanisme de gauche". Son programme insiste sur le rétablissement de la "souveraineté" nationale, bradée selon lui à l'étranger. Il a promis de combattre la corruption et mieux répartir les richesses, et s'est aussi engagé à renégocier les contrats miniers, gaziers et pétroliers conclus avec des compagnies étrangères.
Le Sénégal pourrait commencer à produire du gaz et du pétrole en 2024.
Le scrutin est suivi avec attention, le Sénégal étant considéré comme l'un des pays les plus stables d'une Afrique de l'Ouest secouée par les putschs. Dakar maintient des relations fortes avec l'Occident, tandis que la Russie renforce ses positions alentour.
Ce pays de 18 millions d'habitants a connu depuis 2021 différents épisodes de troubles causés par le bras de fer entre Ousmane Sonko et le pouvoir, conjugué aux tensions sociales.
Le Sénégal a plongé dans l'une de ses plus graves crises depuis des décennies quand le président Sall a décrété le 3 février un report de la présidentielle prévue trois semaines plus tard.
Les troubles ont fait des dizaines de morts en trois ans et donné lieu à des centaines d'arrestations.
Les deux camps se rejettent mutuellement la faute de ces évènements qui ont altéré la vitrine démocratique sénégalaise. M. Faye a promis "la rupture" en votant au côté de ses deux épouses dimanche dans son village de Ndiaganiao (ouest).
M. Ba, qui était encore il y a quelques semaines le Premier ministre du président Sall, se pose en garant de la stabilité. Il lui a fallu assumer tous les aspects de l'héritage du président Sall: les grands travaux qui ont transformé le visage du Sénégal, mais aussi une pauvreté persistante, un chômage élevé, et les centaines d'arrestations de la période récente.