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Les élus de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) ont approuvé lundi à l'unanimité le principe d'une taxe poids lourds visant à diminuer le trafic de transit et la pollution mais qui hérisse les acteurs économiques régionaux.
La CEA, né en 2021 de la fusion des conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, et qui a récupéré à cette occasion la gestion des routes et autoroutes non concédées sur son territoire, souhaite imposer à partir de 2027 une taxe, baptisée "R-Pass", de 0,15 euro par kilomètre pour les camions de plus de 3,5 tonnes circulant sur l'axe nord-sud (A35 et A36) et sur deux autres routes reliant cet axe à l'Allemagne.
La collectivité veut ainsi améliorer "la fluidité et la sécurité" de la circulation, réduire "la pollution atmosphérique et sonore", limiter la dégradation des routes et "rééquilibrer le trafic de transit entre l'Allemagne et la France".
Car de l'autre côté du Rhin, les autorités allemandes ont mis en place dès 2005 une taxe, portée à 0,34 euro/kilomètre en janvier 2024.
- "Aspirateur à camions" -
Cette hausse de la taxe allemande a provoqué une augmentation de trafic "de près de 20% les six premiers mois" et de "30%" en août et septembre sur le réseau autoroutier nord-sud alsacien, a exposé le président de la CEA, Frédéric Bierry, lors d'une séance plénière à Colmar (Haut-Rhin).
"Notre territoire devient un aspirateur à camions, un réceptacle de tout le transit international", a poursuivi l'élu divers droite.
Affirmant qu'il y avait "une demande forte" pour "mieux réguler ce trafic", M. Bierry a assuré que le "R-pass" aura pour effets "moins de bruit, un air meilleur, un environnement immédiat aussi moins pollué pour les riverains de ces routes".
"C'est aussi des routes moins dégradées, moins de travaux d'entretien voire de réfection, et aussi des économies à la clé, ce qui n'est pas neutre dans les temps qui courent", a-t-il souligné.
Mais pour bon nombre d'acteurs économiques alsaciens, la taxe pourrait porter un coup fatal à certaines entreprises du territoire.
De 100 à 150 personnes ont manifesté lundi matin devant la Collectivité européenne d'Alsace à Colmar tandis qu'une centaine de manifestants, dont de nombreux agriculteurs, ont déversé des pneus devant les locaux de la CEA à Strasbourg.
Parmi eux, Augustin Wacq, 29 ans, a dénoncé une taxe "totalement inutile par rapport à l'objectif de base, qui est de réduire le trafic routier". "Cette taxe poids lourds va juste remplir les caisses de la CEA et alourdir le portefeuille alimentaire des ménages, puisque le surcoût du transport sera répercuté sur le produit final", a affirmé cet agriculteur.
"A chaque fois qu'on crée de l'impôt, on perd des entreprises", a prévenu Franck Sander président de la FDSEA du Bas-Rhin, qui a également manifesté à Strasbourg.
"Nous ne comprenons pas pourquoi la CEA fait peser un nouveau risque sur nos entreprises et l'emploi avec cette taxe", se sont aussi inquiétés dans un communiqué commun, les trois présidents des chambres de Commerce, d'Agriculture et des Métiers d'Alsace, Jean-Luc Heimburger, Denis Nass et Jean-Luc Hoffmann.
Citant l'étude d'impact du cabinet Deloitte commandée par la CEA, ils avancent que cette taxe aboutirait à "prélever 64 millions d'euros par an sur l'économie", et pourrait entraîner la destruction de 1.500 emplois en Alsace dans le secteur des transports, tout en renchérissant les prix pour les consommateurs.
Le 7 octobre, une opération escargot avait été organisée à l'initiative de la Fédération nationale de transports routiers.
- "Compensations possibles" -
Certains acteurs, dont la Fédération des Travaux publics d'Alsace, ont cependant exprimé leur soutien au projet, soulignant que les recettes seraient réaffectées à l'économie locale, comme l'a promis Frédéric Bierry.
La taxe doit notamment permettre de financer le passage à deux fois trois voies de la route reliant Colmar à Sélestat, un chantier de 150 à 200 millions d'euros.
Frédéric Bierry a assuré lundi que la concertation se poursuivrait pendant encore au moins un an pour déterminer les modalités de mise en oeuvre et étudier "des compensations possibles pour l'ensemble des entreprises parce que bien évidemment, notre enjeu c'est réduire le trafic de transit, mais ce n'est pas de pénaliser le monde économique".