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Repas dispendieux, pratiques "contestables" et manque de transparence: la chambre régionale des comptes est sévère sur les dépenses de communication de la région Auvergne-Rhône-Alpes et de son ancien président Laurent Wauquiez dans un rapport brièvement débattu jeudi en assemblée plénière.
Les faits les plus marquants (dont un dîner à plus de 1.200 euros entre Laurent Wauquiez et l'écrivain Michel Houellebecq) avaient été dévoilés à la suite de fuites dans la presse régionale début août, en plein milieu des Jeux olympiques.
L'élu LR, réélu député à la faveur de la dissolution, avait assuré ne pas avoir connu le montant de l'addition et s'était alors dit prêt à rembourser les "sommes excessives". Depuis, il a quitté la présidence de la région en vertu des règles sur le non-cumul des mandats.
Son successeur Fabrice Pannekoucke (LR) a salué jeudi devant les élus de la région cette "démarche volontaire". Le "chiffrage" des repas est en cours, ce qui "lui permettra d'aller au bout" de cette démarche, a-t-il ajouté, en refusant de donner les montants.
Le rapport, que l'AFP a pu consulter, épingle plus globalement des frais de communication largement organisés autour de la personne de M. Wauquiez, candidat potentiel de la droite à la prochaine présidentielle.
Cet "amalgame" "peut mener à engager des dépenses qui ne sont pas uniquement motivées par des logiques institutionnelles", souligne le gendarme financier.
L'exécutif régional assure de son côté, dans une réponse au ton cinglant publiée en annexe, que "moins de 5% des dépenses de communication mettent en avant le président de région".
- "Intérêt personnel" -
Si la CRC souligne que les dépenses de communication représentent "moins de 1% du budget total" de la collectivité, elle pointe des frais de restauration "en augmentation significative en 2022" avec une enveloppe de 77.180 euros contre 22.718 euros en 2019.
Quinze repas sont passés à la loupe, dont deux dîners avec Michel Houellebecq pour 1.248 euros et 900 euros, un déjeuner pour six personnes dont trois journalistes de Valeurs actuelles, pour un montant contesté (5.100 euros selon la CRC, moins de 2.000 euros pour la région).
Au total, "ça fait 237 euros de ticket restau par jour. Bonne gestion financière !", a ironisé Axel Marin du groupe Les Ecologistes lors de l'assemblée plénière.
La cour demande aussi de "mettre fin à l'achat d'études d'opinion à connotation politique" et en cite une réalisée après une intervention de Laurent Wauquiez sur BFMTV en mars 2021 pendant la campagne des élections régionales.
"Une enquête qui porte sur l'image du président du conseil régional présente un intérêt politique personnel pour l'intéressé, mais pas nécessairement un intérêt public local", notent les auditeurs.
Ce point a fait l'objet d'un signalement à la justice de la part du groupe d'opposition socialiste qui, jeudi, s'est ému de n'avoir obtenu que deux minutes par groupe pour débattre du rapport. "C'est inacceptable", a lancé Johann Cesa, le vice-président du groupe, en dénonçant une volonté de "passer sous silence" des conclusions encombrantes.
- "Insinuations" -
Le rapport revient également sur l'organisation du Dîner des sommets en juin 2022, un repas fastueux organisé aux frais de la région avec une centaine d'invités, avec une facture de plus de 1.000 euros par tête, qui fait l'objet d'une enquête du parquet national financier.
Une communication qui coûte plus cher que le dispositif promu ? La CRC relève "certaines pratiques contestables" sur ce point.
Elle cite notamment des courriers vantant les efforts de la région pour sécuriser la présence en été d'un hélicoptère de secours pour le CHU de Clermont-Ferrand. Pour 317.000 euros, l'envoi des lettres, dans un délai urgent, a coûté plus cher que la mesure elle-même.
Dans sa réponse, la région note que la cour "ne relève aucune illégalité dans le fonctionnement" et conteste vivement les remarques sur les études à connotation politique et les repas d'affaires.
Pour elle, le rapport comprend des "erreurs manifestes d'analyse", ainsi que des "erreurs juridiques et matérielles". La région, qui accuse la CRC d'avoir "ignoré" certaines pièces transmises, dénonce aussi "une tonalité générale faite de suspicions, d'insinuations et de jugements d'opportunité sans fondement".
L'opposition s'est émue des attaques contre "l'intégrité et l'impartialité de la chambre".