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Braquages, meurtres, home-jackings, tirs sur les gendarmes... Pas un jour ou presque sans un fait divers violent à Saint-Laurent-du-Maroni, dans l'ouest de la Guyane. Face à ce nouveau cycle d'exactions, l'ex-cité bagnarde en appelle à l'Etat.
"Nous vivons dans un climat de terreur qui ne cesse de grandir. Chaque jour, nous vivons sous la menace d'agressions, de braquages et de fusillades en plein jour", déclare à l'AFP Sophie Charles, maire sans étiquette depuis 2018 de cette ville frontalière du Suriname.
Dans un courrier adressé le 4 octobre au Premier ministre Michel Barnier, l'édile "exige de l'État, dans l'exercice de ses compétences régaliennes, des mesures immédiates et des solutions structurelles".
Un quart des faits de vols à main armée recensés en zone gendarmerie dans toute la France sont commis sur la seule commune de Saint-Laurent-du-Maroni, selon des chiffres officiels de 2023.
Pour contrer cette criminalité croissante, Sophie Charles demande une augmentation significative des effectifs des forces de sécurité, "aujourd'hui calibrés pour une ville de 50.000 habitants alors que notre population est plus proche de 80.000, avec des problématiques de trafics, d'immigration illégale et de délinquance que les autres villes n'ont pas".
L'abandon du poste de contrôle routier à l'entrée de Saint-Laurent, jugé inefficace, et la création d'un commissariat de police nationale sont attendus. L'instauration en "priorité nationale" de la sécurisation du fleuve frontalier Maroni, par où transitent les trafics selon les autorités, est également demandée.
- Le GIGN en renfort -
Cette recrudescence d'actes violents intervient alors que les effectifs de gendarmerie ont été réduits dans la perspective des JO de Paris.
"Aujourd'hui nous disposons de quatre escadrons alors que nous en avions six avant les Jeux olympiques", reconnaît la préfecture de Guyane. Mais "ces deux escadrons vont nous être restitués avant la fin d'année et un renfort supplémentaire d'un escadron a été demandé pour à terme être à sept", assure-t-on de même source.
En outre le GIGN, l'unité d'intervention de la gendarmerie, "est déployé sur Saint-Laurent" depuis le 3 octobre, ajoutent les services de l'Etat en Guyane.
"Insuffisant", estiment les élus locaux, qui se relayent depuis plusieurs jours sur un sit-in installé devant la sous-préfecture de Saint-Laurent en guise de protestation.
Dans la capitale de l'Ouest guyanais, une compagnie départementale de gendarmerie forte de 133 militaires doit assurer la sécurité de Saint-Laurent et ses environs - un ressort grand comme la Belgique.
En agglomération, elle est épaulée par un escadron de gendarmes mobiles (72 hommes et femmes), 60 fonctionnaires de la police aux frontières, et une brigade fluviale créée le 1er mars avec dix militaires et deux embarcations. La police municipale (23 personnels) complète le dispositif.
La mairie demande aujourd'hui des mesures plus radicales que l'augmentation des effectifs: la destruction de quartiers informels, alors que 60% des logements sont considérés comme illégaux dans la ville.
Une option à laquelle la préfecture a confirmé à l'AFP avoir donné son accord, "pour permettre la démolition de bâtiments dans des squats, foyer de délinquance et lieu de stockage d'armes".
La municipalité assure que "cette démarche se fera dans le respect de la loi, avec le relogement des personnes en situation régulière et éligibles".
"Il est important de rappeler que près de 20.000 personnes vivent dans ces quartiers faute de logements disponibles, et que la majorité d'entre elles ne sont pas des criminels, mais des familles sans autre choix", souligne la mairie.
Avec sa population jeune aux perspectives limitées et sa croissance démographique foudroyante, Saint-Laurent-du-Maroni cumule les défis. La ville, où l'âge médian est de 17 ans, a enregistré 3.300 naissances l'année dernière. D'après l'Agence française de développement, elle deviendra en 2030 la commune la plus peuplée de Guyane.
Une force au vu du potentiel de développement, mais aussi une faiblesse tant la population croît plus vite que les emplois et les infrastructures. A Saint-Laurent, un habitant sur deux est sans emploi.
Terreau fertile pour la délinquance, la précarité, endémique en Guyane où 53% de la population vit sous le seuil de pauvreté, est exacerbée localement depuis l'épidémie de Covid-19 et la crise économique au Suriname. En témoigne l'explosion des demandes au centre communal d'action sociale, passé de 3.000 bénéficiaires en 2022 à plus de 10.000 l'année suivante.