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Un ancien officier de l'armée allemande a reconnu lundi avoir espionné au profit de la Russie, expliquant son acte par sa volonté d'éviter une escalade nucléaire dans la guerre en Ukraine, au premier jour de son procès.
Celui que le parquet fédéral désigne simplement comme Thomas H., 54 ans, a reconnu devant le tribunal de Düsseldorf avoir transmis des informations au consulat russe à Bonn.
"C'était mal, je l'assume", a-t-il dit devant le juge.
L'homme travaillait alors avec le grade de capitaine dans le principal service d'informatique et de logistique de la Bundeswehr, chargé notamment de la gestion des équipements militaires.
Ce département, qui compte environ 12.000 employés, a vu son travail considérablement augmenter depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, l'Allemagne étant devenue le deuxième fournisseur d'aide militaire à Kiev, derrière les Etats-Unis.
Thomas H. avait été arrêté en août 2023 dans la ville de Coblence.
- Extrême droite -
En mai 2023, le suspect "a approché le consulat général russe à Bonn et l'ambassade russe à Berlin et a offert sa coopération", selon l'acte d'accusation du parquet lu au début de l'audience.
Il aurait photographié, outre plusieurs fichiers informatiques sauvegardés, d'anciens documents sur l'utilisation des munitions et de la technique aéronautique.
L'homme a ensuite déposé ces documents dans une boîte aux lettres du consulat à Bonn, en plus de ses coordonnées et aurait proposé d'en procurer d'autres. Faute de réponse, il aurait alors pris d'autres contacts.
L'accusé a reconnu avoir proposé ses services en tant qu'espion mais contesté avoir donné un CD avec des données techniques sensibles comme le lui reproche le parquet.
Il n'y avait "rien de grave" dans les informations transmises, a-t-il dit, soulignant avoir essentiellement voulu prouver son statut de soldat de la Bundeswehr.
L'ancien officier, qui a aussi pris contact à la même époque avec le parti d'extrême droite AfD auquel il a demandé d'adhérer, a expliqué son acte par sa crainte d'une escalade nucléaire dans la guerre contre l'Ukraine.
En Allemagne, tant l'extrême droite que l'extrême gauche dénoncent les livraisons par ce pays d'armements lourds à Kiev pour se défendre contre les Russes. L'accusé a dit avoir avant tout voulu protéger sa famille.
C'est ainsi qu'il aurait eu "l'idée stupide", dit-il, de s'adresser au consulat, faisant part aussi de son mécontentement croissant envers le gouvernement allemand d'Olaf Scholz.
Thomas H., qui s'est clairement distancié de ses actes, assuré en outre avoir souffert à l'époque de problèmes de concentration et de sommeil. Il les a liés à des années de surcharge de travail et à ce qu'il affirme être des effets secondaires des vaccins contre le Covid-19.
Il a affirmé être entré dans un "cercle vicieux".
- Multiplication des cas d'espionnage
Les audiences devraient durer jusqu'à la fin du mois de juin. L'ancien capitaine risque jusqu'à 10 ans de prison.
L'an passé, le Renseignement intérieur allemand avait mis en garde contre une intensification de l'espionnage pour la Russie après le déclenchement du conflit en Ukraine.
Le dernier exemple en date remonte au 18 avril seulement. Deux hommes, ayant les nationalités russe et allemande, ont été inculpés pour avoir planifié des actes de sabotage au profit de la Russie, y compris sur une base de l'armée américaine, afin de saper l'aide allemande à l'Ukraine.
Un ancien agent secret allemand est par ailleurs actuellement jugé à Berlin pour avoir transmis des informations classées secrètes aux services de sécurité russes (FSB) à l'automne 2022, accusation qu'il rejette catégoriquement.
En novembre 2022, un Allemand a été condamné à une peine avec sursis pour avoir fait passer des informations aux services de renseignement russes tandis qu'il travaillait en tant qu'officier de réserve pour la Bundeswehr.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'Allemagne a par ailleurs expulsé de nombreux diplomates russes accusés d'être une menace pour sa sécurité.