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"Je ressens une douleur intense dans le dos et la poitrine, j'ai 73 ans". Dans la salle de régulation du Samu, une médecin urgentiste intercepte l'appel de cette femme atteinte d'hypertension et déclenche la nouvelle équipe paramédicale du service.
Début mars, le CHU de Bordeaux a rendu opérationnelle l'une des premières Unités mobiles hospitalières paramédicalisées (UMH-P), dont la mise en place a été autorisée nationalement par un décret publié le 29 décembre. D'autres établissements expérimentent actuellement le dispositif.
Rattachée au pôle des urgences adultes, l'UMH-P est constituée d'un binôme – un infirmier de structure d'urgence et un ambulancier de Smur – qui interviennent au domicile des patients dont la situation ne nécessite pas, a priori, la présence physique d'un médecin.
Le régulateur, depuis le centre d'appels, communique cependant à distance avec le patient et l'UMH-P.
"Dans le cas de cette patiente, il y a un facteur de risque, celui de l'hypertension. Mais cela ne semble pas assez sérieux pour envoyer un médecin", explique à l'AFP Catherine Pradeau, 56 ans, responsable adjointe du Samu 33.
Sur son écran d'ordinateur ondulent les courbes d'un électrocardiogramme, transmis par l'UMH-P qui s'est rendue en dix minutes au domicile de la septuagénaire.
"Je vous conseille d'aller aux urgences pour faire un bilan sanguin, afin de s'assurer que tout va bien. Mais pas d'inquiétude, l'électrocardiogramme est normal", indique la médecin à la patiente lors d'un second appel.
Dans la foulée, cette dernière sera conduite à l'hôpital, prévenu de son arrivée, par les pompiers dépêchés sur place en même temps que l'unité mobile - ce qui permet, le cas échéant, de parer à une urgence vitale apparue entre-temps.
"Il ne s'agit pas de proposer une offre dégradée destinée à pallier une carence d'Unité Mobile Hospitalière Médicalisée (UMH-M, avec un médecin à bord) mais de rationaliser l'usage des ressources médicales, souligne le CHU de Bordeaux, (...) sur des typologies d'intervention définies et faisant l'objet de protocoles de soins infirmiers spécifiques".
- Raréfaction des médecins -
"Les UMH-P ont été pensées pour lutter contre la raréfaction des médecins et la disparition des visites à domicile", complète Catherine Pradeau.
"Hormis la nuit et les week-ends, SOS Médecins ne se rend plus chez les patients. Ces derniers se sont alors rabattus sur les urgences, même pour les pathologies les moins graves."
Le personnel paramédical a été formé à l'urgence et ne peut se rendre au chevet d'un patient que pour certains motifs : chute, douleur médicale ou traumatique, douleur thoracique atypique, hypoglycémie. Une liste que le centre hospitalier songe à étendre sur le long terme.
L'UMH-P opère tous les jours de 8H00 à 20H00 sur l'ensemble de la métropole bordelaise.
Pascale Martinet est infirmière anesthésiste et a suivi une formation d'une journée, tout comme sa collègue ambulancière Rhizlane Benyamna.
"Même si nous ne sommes pas des novices, cela nous a rassurées", sourit la soignante de 57 ans devant le véhicule de l'équipe.
Dans le coffre: un électrocardiographe et le matériel nécessaire pour prendre la tension et le pouls.
"Nous sommes les yeux et les oreilles du médecin urgentiste", ajoute l'infirmière. "Le gain de temps est énorme", souligne Rhizlane Benyamna, 44 ans.
L'UMH-P est une réponse "apportée à une population demandeuse", poursuit Catherine Pradeau. "Notre mission évolue, les UMH-P dépassent le cadre de l'urgence vitale et de la réanimation", affirme la médecin, pour qui "UMH-P et UMH-M sont complémentaires".
"Les UMH-P ne vont pas régler la crise des urgences", tempère Gilbert Mouden, infirmier anesthésiste et représentant SUD du personnel. Selon lui, il faut mettre en place une collaboration plus étroite entre pompiers et Samu, plutôt que de faire appel au personnel de Smur.
Le syndicaliste regrette qu'il n'y ait pas eu de création de postes spécifique pour les UMH-P et craint qu'il n'y ait pas assez "d'ambulanciers pour d'autres urgences plus graves".