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Accent flamand: comment Bart De Wever a sauvé (l’honneur de) la Flandre

Un militant du Vlaams Belang a lancé sa bière en direction de Christophe Deborsu lors de la soirée électorale. L'homme avait manifestement mal digéré la défaite de son parti. Le dimanche 9 juin, jour des élections, c'est Bart De Wever qui est sorti grand gagnant au nord du pays. 

Parfois, des mots simples suffisent. Sauf que, quand c’est Bart De Wever qui parle et que c’est jour d’élection, c’est forcément en latin : "Ad astra per aspera", prononce-t-il en montant sur le podium, dimanche peu après 20 heures. Heureusement, il traduit tout de suite : "Vers les étoiles, par le chemin le plus difficile". Puis il se lâche, on sent qu’il conjure en un souffle des mois de mauvais sondages et de prédiction de défaite : "On a gagné !". Ce soir-là, il y a bien plus qu’un seul point d’exclamation à la fin de sa phrase.

Il y a trop de mécontents. 

Personne n’y croyait. Pas même lui. Il me l’avait confié avant le scrutin : "Le Vlaams Belang arrivera premier. Il y a trop de mécontents en Flandre et le VB capte en priorité ces voix-là. Et puis, la montée de l’extrême-droite est un phénomène mondial." C’est aussi ça le style De Wever: prévoir le pire pour ne pas sombrer s’il se produit et se réjouir si on l’évite. Enfin se réjouir, pas trop. Il le confirme à Chantal Monet juste après avoir voté : "Je ne suis jamais très souriant. J’ai beaucoup de plaisir dans la vie. Mais j’arbore rarement un large sourire".

Alors, qu’est-ce qui a sauvé la première place de la N-VA ? D’abord le talent de Bart De Wever. Point de vue éloquence et habileté dans l’argumentation, il est depuis 20 ans le meilleur en Belgique. Il reste d’ailleurs le politique flamand le plus populaire depuis plus de 10 ans, un record sans précédent de longévité. Dimanche, son taux de pénétration était le plus élevé du pays. Cet homme n’a pas qu’un petit truc en plus.

Des propos polémiques 

Le président de la N-VA a également pu compter sur les fautes du Vlaams Belang dans la dernière ligne droite avant le vote. Cela fait dire à un commentateur flamand : "Pour l’extrême-droite, les élections ont eu lieu 15 jours trop tard". Il y eut d’abord les propos de Tom Van Grieken estimant que les personnes transgenres ne devraient pas exister: "Tant que les hommes n’accouchent pas, il n’y a pour moi que des hommes et des femmes, point". Des propos tenus à deux reprises, à chaque fois en présence de la vice-première ministre Petra De Sutter (Groen), elle-même transgenre et gynécologue d’envergure mondiale. Quand elle a répondu que la science confirmait depuis un demi-siècle qu’un être humain peut avoir le besoin irrépressible de changer de sexe, une bonne partie de la Flandre ne pouvait être que convaincue. Il y eut encore les propos à côté de la plaque du vice-président du Belang, Chris Janssens : "La télévision publique devrait se concentrer sur ses missions d’information et arrêter de programmer des feuilletons à succès comme Thuis". Thuis, existe depuis 30 ans, c’est une institution. La série séduit un million de téléspectateurs de la VRT chaque soir un peu après 20 heures. Ils se sont sentis dépossédés de leur programme préféré.

Bref, dans le money time, le Belang a révélé sa nature. Et la carrure rassurante de Bart De Wever a récupéré les voix extrêmes. Le combat de la vie de BDW, c’est d’effacer au nord du pays la tache que constitue l’extrême droite. L’Anversois a donc (provisoirement) sauvé l’honneur de sa région. Reste que les nationalistes flamands N-VA + Belang sont à près de 48 % des voix en Flandre. Ensemble, ils ne sont qu’à un siège de la majorité au parlement flamand. Du jamais-vu. Le royaume de Belgique n’est peut-être donc qu’en rémission. "Ad astra per aspera". Pour ceux qui veulent sauver la Belgique, le chemin vers la rédemption reste lui aussi plus qu’ardu.

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