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Le 29 mars 2018, un double décret de la région wallonne entre en vigueur. Il entend remettre de l’ordre dans les organismes publics soit "renforcer la gouvernance et l’éthique au sein des organismes wallons".
Ce décret réduit les rémunérations des gestionnaires. Désormais, le plafond est fixé à 245 000 euros bruts annuel. C’est beaucoup moins que ce que perçoivent à l’époque les patrons de l’aéroport de Liège et de Nethys.
À l’aéroport de Liège, le salaire annuel de Luc Partoune est de 430 000 euros par an. Il est averti que ses rémunérations vont être sérieusement rabotées, il s’y oppose et saisit le tribunal du travail de Liège.
En février 2020, le tribunal déclare l’action non fondée. Luc Partoune insiste, il interjette appel et deux ans plus tard, la Cour du travail interroge la Cour Constitutionnelle sur le droit à la propriété qui aurait pu être violé par les nouvelles dispositions wallonnes.
Le 19 octobre dernier, la cour constitutionnelle rend son arrêt. En 20 pages de considérations très techniques, elle reconnaît que "les dispositions en cause poursuivent un objectif d’intérêt général légitime, à savoir le renforcement de la confiance entre l’autorité publique et le citoyen et la garantie de la bonne gouvernance et de la bonne gestion des deniers publics".
Le plafond de rémunération n’est donc pas remis en cause, mais peut-il être appliqué à des contrats en cours et si oui quand ? c’est là que la cour constitutionnelle contredit la région wallonne en se référant à la constitution et à la convention européenne des droits de l’homme. Elle estime qu’il faut prévoir une période transitoire "raisonnable" lorsque l’on touche à un contrat de travail en cours. Deux articles du décret wallon, conclut la cour, "violent l’article 16 de la Constitution".
Pour l’ex CEO de l’aéroport de Liège, c’est une victoire. Il pourra réclamer devant le Cour du travail les rémunérations qui ne lui ont pas été versées.
Mais cet arrêt devrait également avoir des conséquences pour tout le comité de direction de Néthys, dont Stéphane Moreau.
En ce qui le concerne, sa rémunération a quasiment été divisée par 4. Elle est passée de 839 000 euros annuels (chiffre qu’il a donné devant la commission d’enquête parlementaire wallonne) à 245 000 euros. En compensation, Stéphane Moreau et les autres membres du comité de direction perçoivent de colossales indemnités de départs soit 8,6 millions bruts pour Stéphane Moreau, une somme saisie depuis par la justice.
Pour le parquet, ces indemnités visent à contourner le décret wallon. Il en découle des inculpations d’abus de biens sociaux, d’association de malfaiteurs et de blanchiment. C’est sur cette base que Stéphane Moreau a été détenu durant 20 jours.
C'est une information RTL info : aujourd’hui le décret est en partie rendu caduc par l’arrêt de la Cour et par la même occasion, ses conséquences s’envolent. En d’autres termes, c’est tout un volet pénal du dossier de Stéphane Moreau qui risque de passer à la trappe et se clôturer par un non-lieu.
Son avocat, prudent, prend acte de l’arrêt et attend, dit-il, une décision du parquet général. Celui-ci se borne à dire qu’il faut encore étudier les implications du récent arrêt. Reste l’autre volet de l’enquête pénale à charge de Stéphane Moreau soit la vente précipitée des filiales Voo, Win et Elicio. Sur ce point, l’enquête continue.
Rappel des faits
Depuis le début de l'affaire Nethys, Stéphane Moreau parle peu, mais quand il s'est exprimé devant la commission d'enquête parlementaire wallonne, il a défendu ses choix stratégiques et s'est retranché derrière les choix politiques. "Ce sont des décisions du conseil d'administration. Je ne suis pas aussi puissant que ce que certains disent", a-t-il déclaré.
En décembre 2016, l'affaire Nethys a été déclenchée par le bourgmestre d’Olne, Cédric Halin (qui était échevin à l'époque). Qu'ils soient présents ou non, des mandataires sont grassement rémunérés pour assister à des comités de secteur de l'intercommunale Publifin. "On s'est aperçu que généralement, c'est de l'information qui est donnée aux mandataires. Il y a généralement assez peu de réflexions, qui ont lieu lors de ces réunions", a révélé Cédric Halin.
Durant 3 ans, plusieurs milliers d'euros d'argent public ont été versés aux mandataires. L'affaire a indigné l'opinion publique et a secoué le monde politique. "On se demande dans quel monde vivent ces mandataires qui touchent des sommes exorbitantes. Jusqu'à 500 euros la minute de réunion...", avait déclaré Stéphane Hazée (Ecolo).
Les rémunérations des dirigeants de Nethys sont également révélées. Notamment celles de Stéphane Moreau: 839.000 euros bruts par an. L'ex-bourgmestre d'Ans, devenu patron, a relativisé: "C'est du même tonneau que ce qui se pratique chez Luminus, à la Sonaca et à la FN", avait-il souligné.
Stéphane Moreau s'est vu reprocher la cession de deux filiales, Win et Elicio, à un de ses proches, l'homme d'affaires liégeois François Fornieri. Problème : ce dernier était aussi administrateur de Nethys. La vente a été cassée par le gouvernement wallon. "Un administrateur qui achète une entreprise, c'est extrêmement fréquent dans le secteur privé", a déclaré Stéphane Moreau.
Février 2021, c'est à pied et le visage caché, que l'ancien patron de Nethys avait quitté la prison de Marche-en-Famenne, où il était incarcéré. Inculpé pour détournements, abus de biens sociaux, faux et usage de faux et escroquerie, il se fait depuis particulièrement discret.