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Londres a revu mercredi à la hausse son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comptant atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, un grand pas en avant selon Greenpeace mais trop petit pour Extinction Rebellion.
Le gouvernement doit présenter mercredi au Parlement un décret afin d'amender en ce sens la législation de 2008 sur le changement climatique.
Les Britanniques peuvent être "fiers" d'appartenir au "premier pays" du G7 "à légiférer pour accomplir des objectifs climatiques à long terme", a affirmé la Première ministre conservatrice Theresa May dans un communiqué.
Londres prévoyait de réduire, d'ici 2050, de 80% ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Mais le principe de neutralité carbone va plus loin : il suppose de ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que le pays ne peut en absorber, grâce notamment à ses forêts ou ses sols.
"Cette décision déclenche le coup d'envoi d'une transformation fondamentale de notre économie", a relevé le scientifique Doug Parr, de l'organisation écologiste Greenpeace UK, saluant "un grand moment".
"Accomplir la neutralité carbone d'ici 2050 va changer nos vies, cela va changer la manière dont on voyage, les maisons dans lesquelles on vit, la nourriture que l'on mange", a abondé David Reay, professeur en management du carbone à l'Université d'Edimbourg.
Pour le mouvement Extinction Rebellion cependant, Londres aurait pu viser plus grand.
"Pourquoi attendons-nous 2050 ?", s'est-il interrogé dans un communiqué. "2050 est une condamnation à mort. Des gens sont déjà en train de mourir, et cela ne fera qu'empirer".
L'objectif gouvernemental n'est "pas assez ambitieux", a aussi jugé Mark Maslin, professeur de climatologie à University College London (UCL), préconisant 2030.
- Coûts -
Le gouvernement n'a pas encore présenté de plan concret pour y parvenir mais compte notamment définir ses "priorités" avec de jeunes scientifiques.
Il a aussi indiqué qu'il n'excluait pas d'utiliser les crédits internationaux de carbone, qui permettent aux pays industrialisés de respecter seulement une partie de leurs engagements en investissant dans des projets de réductions dans des pays en développement.
Dans une lettre adressée à la Première ministre, et dévoilée la semaine dernière par le Financial Times, le ministre des Finances Philip Hammond estime le coût total de la neutralité à 1.000 milliards de livres et alerte sur une réduction de l'"argent disponible pour d'autres domaines de dépenses publiques".
Mais selon Chris Skidmore, secrétaire d'Etat à la Recherche et l'Innovation, "ce chiffre n'inclut pas les bénéfices des technologies vertes" et les nouveaux emplois générés, "2 millions d'ici 2030".
Surtout, ce nouvel objectif requiert autant d'argent que l'ancien, soit "1% à 2% du produit intérieur brut", a-t-il affirmé mercredi sur la radio BBC4.
Selon Paul Ekins, directeur de l'institut des ressources durables à UCL, "il faut procéder rapidement, avec une clarté absolue des objectifs" pour favoriser les "investissements privés" et engendrer des réductions de coûts, évoquant l'exemple du photovoltaïque solaire et de l'éolien offshore.
L'industrie énergétique britannique s'est dite "prête" à relever le défi, pointant que "la moitié de (sa) production provient aujourd'hui de sources faibles en émission de carbone".
Les représentants du secteur ont même encouragé à "aller plus loin et plus rapidement dans des domaines tels que la décarbonisation des transports, du chauffage et améliorer l'efficacité de l'énergie dans nos maisons et nos entreprises".
- Evaluation dans cinq ans -
Le gouvernement britannique appelle les autres pays à le suivre, précisant qu'il procédera à une "évaluation" d'ici cinq ans pour "veiller à ce que (ses) industries ne soient pas confrontées à une concurrence déloyale".
Londres pourrait-elle faire marche arrière si elle se trouvait économiquement désavantagée? Evitant de répondre directement, Chris Skidmore a assuré que cette évaluation faisait juste "partie du procédé" habituel.
D'autres pays se sont également fixé pour objectif d'atteindre la neutralité carbone à plus ou moins longue échéance. En France, le gouvernement a présenté un projet de loi en avril prévoyant d'y parvenir d'ici 2050. La Norvège vise 2030 alors que le Japon pense pouvoir l'atteindre après 2050 seulement.
L'Union européenne s'est, elle, engagée à réduire ses émissions de 40% par rapport à 1990 d'ici 2030. Le Parlement européen a appelé à relever ces objectifs à 55%.